À la suite de cette enquête, le parquet de Paris avait ouvert en décembre 2018 et après une plainte du ministère des Armées, une enquête pour « compromission du secret de la défense nationale ». Des journalistes du site Disclose et de Radio France avaient notamment été entendus en 2019 par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), des convocations dénoncées par une vingtaine d’ONG et de syndicats comme une atteinte à la liberté de la presse. Le parquet de Paris a décidé de ne pas engager de poursuites contre des journalistes soupçonnés de violation du secret-défense dans leurs enquêtes sur l’utilisation d’armes françaises au Yémen mais leur a notifié un rappel à la loi, a-t-on appris mercredi de source judiciaire, confirmant une information de Mediapart.
Une fuite inédite d’une note « Confidentiel-Défense », dévoilée par le média d’investigation Disclose, prouve que le pouvoir exécutif est au courant de l’usage massif des armes françaises par la coalition dans la guerre au Yémen. Cette note a été transmise au Président de la République Emmanuel Macron, lors du conseil restreint de défense du 3 octobre 2018 à l’Élysée, en présence de la ministre des Armées, Florence Parly, du Premier ministre, Edouard Philippe et du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
Ces derniers ont tous pu consulter les quinze pages du document provenant de la direction du Renseignement militaire français (DRM), qui détaille l’ensemble des armes vendues par la France aux Émirats arabes unis et à l’Arabie saoudite. Des armes aujourd’hui utilisées dans la guerre au Yémen.
Cette note révèle pour la première fois les positions, à la date du 25 septembre 2018, de l’armement français utilisé par la coalition saoudienne dans le conflit yéménite. Ces « Yémen Papers » contredisent la position du gouvernement français. Des armes françaises sont bien utilisées par la coalition dans la guerre au Yémen sur tous les fronts : air, terre et mer.
Cartographie d'un mensonge d'Etat
Des documents classés « confidentiel défense » prouvent que des armes françaises peuvent tuer des civils au Yémen (à consulter sur le site de Disclose.ngo)
Ce que dit le gouvernement :
Interviewée le 20 janvier 2019 par France Inter, la ministre des Armées Florence Parly a une nouvelle fois affirmé qu’elle « n’a pas connaissance du fait que des armes [françaises] soient directement utilisées dans le conflit ». Et ajoute que si des « équipements militaires ont été vendus, [c’est] pour assurer la protection du territoire saoudien contre des attaques balistiques qui viennent du territoire yéménite. Mais nous n’avons récemment vendu aucune arme qui puisse être utilisée dans le conflit ».
Le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian affirme le 12 février 2019 durant la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale : « j’ai eu l’occasion de le dire à de nombreuses reprises, nous sommes complètement fidèles à nos engagements, dans nos ventes d’armes, au traité du commerce des armes. Traité que nous respectons totalement ».
Résumons. D’après le gouvernement français :
• Les équipements militaires français utilisés par la coalition ne sont pas des armes offensives : ils ne seraient utilisés par l’armée saoudienne que pour défendre des positions.
• Ils n’ont en aucun cas été dirigés contre des civils ou servis à commettre des crimes de guerre. La France respecterait donc le Traité sur le commerce des armes.
Ce que dit le document :
Char Leclerc, obus, canon Caesar, mirage 2000 F-9, missiles : le document de la DRM liste des dizaines d’occurrences d’armes utilisées par les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite et vendues par la France.
Reste maintenant à savoir si la coalition utilise ces armes à des fins offensives et contre les civils sur le territoire yéménite. C’est ce que l’enquête de Disclose veut démontrer à travers quatre exemples : les canons Caesar, les chars Leclerc, les frappes aériennes et les navires.