ARTE inaugure son hommage à Claude Berri réalisateur avec la diffusion de Une femme de ménage (2002) mercredi 9 septembre à 20h50. La figure imposante de Berri producteur, la place centrale qu’il occupa dans l’industrie du cinéma français ont longtemps occulté sa carrière de réalisateur – 21 longs métrages entre 1967 et 2009, quand même. La régularité de ses succès populaires et sa facilité à toucher le grand public avec des sujets modestes ou ambitieux ralentirent sa reconnaissance critique. On moqua le caractère académique de ses adaptations littéraires patrimoniales et de ses films en costumes, on négligea la partie la plus intime et personnelle de sa filmographie, parfois taxée de complaisance. Claude Berri cinéaste a participé à un « nouveau réalisme » au cinéma, donnant de ses nouvelles en même temps qu’il prenait le pouls de la société française, avec des histoires autobiographiques ou empruntées à d’autres. C’est le cas de Une femme de ménage, adaptation d’un roman de Christian Olster, publié aux Editions de Minuit. Un récit simple, à la lisière du minimalisme, autour d’une rencontre. Jacques un quinquagénaire esseulé – son épouse l’a quitté il y a quelques mois – décide de faire appel à une femme de ménage pour mettre un peu d’ordre dans un appartement transformé en dépotoir par son célibat forcé. Il habite le Sixième arrondissement et écoute de la musique classique ou du jazz. Elle et banlieusarde et écoute du rap. Tout les sépare sauf leur solitude. La jeune femme s’éprendra de son employeur, qui reprendra goût à la vie grâce à cette relation inattendue, mais éprouvera aussi les tourments de la jalousie et de la dépendance affective. Le film se divise en deux parties, la première dans le quartier Buci, la seconde au bord de la mer, dans une tentative de fuir le poids du passé qui refait surface. Berri sait décrire la monotonie de la vie quotidienne de son protagoniste masculin, ses trajets en métro pour se rendre à la Maison de la Radio où il travaille, ses week-ends à ne rien faire. Les films de Berri possèdent une dimension sociologique évidente, fonctionnent comme des marqueurs temporels d’une époque ici pas très lointaine – juste avant le passage à l’euro – et conserve une valeur de document sur les habitudes et les préoccupations d’une certaine tranche socioprofessionnelle, à Paris et en province. Une femme de ménage est aussi un beau film comportemental sur la dépression et la solitude, et sur les sursauts de vitalité provoqués par une liaison sexuelle. Jean-Pierre Bacri excelle dans sa prestation coutumière d’homme sombre et bougon, enrichie dans le cas présent par une forme de mimétisme avec son metteur en scène. Emilie Dequenne (photo en tête de texte) est formidable de subtilité et de naturel, campant une jeune femme sensuelle dont la spontanéité même est source de questionnement et d’incompréhension pour son amant et pour le spectateur.
Je vois ce film presque 20 ans après sa sortie, n’en ayant pas entendu parler à l’époque. (J’habite à l’étranger depuis 25 ans.) Je l’ai trouvé plein de subtilité, aussi bien dans l’écriture, que dans sa réalisation, et dans le jeu des deux acteurs principaux. J’ai toujours énormément aimé le jeu de Jean-Pierre Bacri, mais encore plus dans ce film, peut-être car je le savais très bon dans les accès de colère mais il nous montre qu’il est tout aussi bon dans un jeu plus introverti. Que c’est triste qu’il nous ait quittés.