Olivier Père

La Dixième Victime de Elio Petri

ARTE diffuse dans la nuit du jeudi 14 au vendredi 15 août, à 00h45, La Dixième Victime (La decima vittima, 1965) de Elio Petri.

Dans un futur proche, sont régulièrement organisées des chasses à l’homme, pendant lesquelles les meurtres sont autorisés, afin de canaliser l’agressivité et la violence des êtres humains. Les participants sont d’abord chasseurs, puis chassés, jusqu’à atteindre le nombre de dix participations. Ceux qui parviennent à survivre jusqu’au bout deviennent alors riches et célèbres. L’Américaine Caroline (Ursula Andress) arrive au dixième et ultime tour… Pour sa dernière chasse elle doit tuer l’Italien Marcello (Marcello Mastroianni), champion désabusé et névrosé prêt à se laisser exécuter pour échapper à sa maîtresse et à son épouse.

Cette fantaisie de science-fiction est adaptée d’une nouvelle de Robert Scheckley, La Septième Victime qui inspirera aussi en 1983 Le Prix du danger de Yves Boisset, davantage centré sur la critique des médias.

On peut surtout y voir une pause récréative dans la carrière de Elio Petri, cinéaste politique en prise directe avec la société italienne qui s’adonne ici aux délices du cinéma pop et sexy (comme Joseph Losey avec Modesty Blaise, Roger Vadim avec Barbarella, et bien d’autres dans les années 60, auteurs ou faiseurs, avec plus ou moins de bonheur.)

Le propos de Petri est moins de condamner la société du spectacle et la médiatisation de la violence dans un monde futuriste capitaliste opulent et cynique que de proposer une satire de la guerre des sexes et des préjugés archaïques sur les rapports hommes femmes, et leurs inversions, avec le personnage d’amazone sculpturale interprétée par Ursula Andress et celui du mâle latin à la fois séducteur et défaillant qui va comme un gant à Mastroianni, dans la continuité de ses rôles chez Fellini, Antonioni, Germi ou De Sica.

Le film délaisse en effet très vite le champ du cinéma de science-fiction pop – dès sa scène d’ouverture avec la fameuse course-poursuite dans New York qui se termine dans un club branché où Ursula Andress fusille sa victime avec des canons cachés dans son soutien-gorge – pour se concentrer sur les joutes verbales entre l’homme proie et la femme chasseresse, au jeu des fausses pistes et des retournements de situations, où l’angoisse du mariage – la bague au doigt et la corde au cou pour le pauvre Marcello – se substitue à celle de la mort.

Cela donne lieu à d’amusants échanges comiques entre les deux vedettes du film, Mastroianni excellant comme d’habitude dans la remise en question de sa virilité (aidé ici par une improbable décoloration blonde.)

Le maniérisme baroque et le style ostentatoire de Petri, associés à des études psychologiques féroces, se retrouveront avec plus de force encore dans les films plus personnels qui suivront dans les années 70, toujours aussi satiriques mais dont l’ambiance fantastique n’aura plus besoin de l’alibi de la bande dessinée ou de la SF, située de plein pied dans la réalité italienne : Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, La classe ouvrière va au paradis ou La propriété, c’est plus le vol.

 

La Dixième Victime est disponible en Replay sur ARTE+7.

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