Suis-je vraiment la seule ?

Les cheveux défaits, vêtue d’un maillot de foot blanc floqué aux couleurs de l’Italie, une jeune femme se filme, dansant dans sa chambre sur une chanson de Sinatra. Sur des images vidéo, elle apparaît enfant, entre 3 et 5 ans. "Je savais, dit-elle, que mon corps était différent mais je n’y pensais pas plus que ça." Actrice et réalisatrice, Ella Glendining, 26 ans, est née dans un village de l'est de l'Angleterre, avec une malformation rare, "sans articulation de la hanche et avec de très courts fémurs" : un handicap dont elle ne prend vraiment conscience qu’à sa première rentrée scolaire, au contact des autres enfants, qui ignorent tout des difficultés rencontrées par les personnes à mobilité réduite. Comment grandir quand on se sent exclue et sans modèle ? Et qu’est-ce qu’être "normal" ?

Visibiliser les corps  
"Y a-t-il quelqu'un – comme moi ?" Jeune adulte devenue cinéaste, Ella Glendining, qui tient un journal vidéo pendant trois ans, part aux États-Unis à la recherche de personnes qui lui ressemblent pour combattre son "sentiment d’être seule au monde". Au cours de cette quête, qui relève aussi du voyage intérieur, elle interroge ses proches – ses parents désormais divorcés, sa meilleure amie et son conjoint – mais aussi des personnes qui luttent, comme elle, pour être visibles et respectées dans une société validiste. Entrelaçant ses images, dont beaucoup tournées face caméra, et les films vidéo de ses parents dans les années 1990, son documentaire montre les éreintantes discriminations quotidiennes, mais aussi des moments de solidarité comme autant de lueurs d'espoir. Une invitation sensible à s’adapter aux différences de chacun, sans injonction de "réparer des corps qui ne sont pas cassés".