La fracture

Alors que le mouvement des gilets jaunes est violemment réprimé à Paris, Julie, dont le fils rejoint les manifestants, annonce à sa compagne Raphaëlle qu’elle la quitte. Anéantie par cette rupture, "Raf", après une chute dans la rue, se retrouve dans un service d’urgences, submergé par l’afflux de blessés. Parmi eux, Yann, routier, qui souffre d’une vilaine plaie à la jambe après l’explosion d’une bombe policière. Ce dernier tente d’échapper à l’opération pour retrouver son camion, d’autant qu’il n’a pas prévenu son patron de cette escapade militante. En plein chaos, entre les soins d’un personnel aussi dévoué que surmené, des conflits éclatent et des liens se tissent entre patients…

Urgence absolue
Avec cette plongée en apnée dans un hôpital public en état d’urgence absolue, Catherine Corsini dénonce, sur fond de mouvement des gilets jaunes, un système de santé gravement délabré, faute de moyens et d’effectifs. À travers ce ballet ininterrompu de brancards, de souffrances et d’impatiences, qui exige d’abord du personnel médical éreinté une gestion des priorités, la cinéaste rend hommage aux soignants, au lendemain de la crise du Covid-19. Infirmière passionnée et pleine de compassion, la vaillante Kim (Aïssatou Diallo Sagna, d'une solide sobriété) enchaîne les gardes, quitte à sacrifier sa vie de famille. Mais à travers le hublot des salles et des couloirs encombrés, la cinéaste observe aussi en coupe les patients, microcosme de la société française : une vieille dame qui s’éteint, seulement veillée par Kim ; un malade psychiatrique égaré ; l’égocentrique Raf, dont Valeria Bruni Tedeschi traduit en d’infinies nuances l’hystérie et l’humour ravageur face à sa compagne aussi exaspérée qu’attendrie (Marina Foïs) ; et l’indocile Yann, convaincu d’une révolution en cours, incarné par Pio Marmaï, tout en énergie brute… Soit l’instantané d’une époque dont la pandémie venait de révéler les profondes lignes de fracture.