Lemmings (1/2)L'Arcadie

Automne 1959. À Wiener Neustadt, une petite ville aux environs de Vienne, des voitures sont vandalisées à la nuit tombée. Chez elles, deux adolescentes révisent leurs cours de catéchisme. Christian et Fritz, deux autres jeunes, se retrouvent dans un bar de la ville. Dans une famille bourgeoise, Sigurd et sa sœur Sigrid jouent de la musique tout en veillant sur leur mère, une femme paralysée, condamnée à rester alitée. Dans un bal, Christian danse avec Eva, une fille de son âge qui fait battre son cœur. De son côté, Fritz vit une liaison tempétueuse avec Gisela, la femme de son professeur et pasteur…

No future
Michael Haneke est âgé de 37 ans lorsqu’il achève Lemmings, son premier film qualifié de personnel, inspiré de Bresson et de Bergman, à l’origine une fiction unitaire pour la télévision autrichienne sur la jeunesse, qui aura finalement un second épisode mettant en scène les mêmes personnages imaginés vingt ans plus tard. "J’ai fait le portrait de personnes que je connaissais", confiait le cinéaste autrichien à l’occasion de la sortie en salles de Lemmings dans une version restaurée. Lorsqu’on sait qu’un lemming est un campagnol dont l’espèce pratiquerait le suicide collectif en se jetant des falaises, il est clair que cette œuvre porte en germe les obsessions du cinéaste pour lequel "les péchés des parents sont les névroses des enfants". Situant l’action en 1959, Michael Haneke brosse le portrait d’une génération – la sienne – évoluant dans une société d’après-guerre en perte de sens et de valeurs. Il le fait à travers le destin d’une poignée de garçons et de filles tendus vers une quête éperdue d’amour, mais dévorés par l’inquiétude et les doutes, en rébellion face à l’ordre établi défendu par des parents autoritaires et violents, encalminés dans leur piètre existence. Une rébellion dont les effets délétères, s’ils se font sentir dès la première partie, connaissent leur paroxysme vingt ans plus tard avec des jeunes devenus des adultes piégés dans un quotidien terne et immuable.