La vie est un roman

Trois histoires, trois temporalités et trois tonalités pour une seule et même quête d’une harmonie hors d'atteinte : en 1914, Forbek, un noble utopiste et autoritaire, annonce la construction d’un palais idéal, où il veut convier ses amis à une expérience censée donner la clé du bonheur universel ; au début des années 1980, dans le même château, resté à jamais inachevé, un colloque examine de nouvelles méthodes d’apprentissage scolaire, sur fond de querelles philosophiques et de jeux de séduction entre les participants ; deux mondes reliés entre eux par la rêverie d'un des enfants des pédagogues, qui fait du château de Forbek le décor d'un combat médiéval entre un chevalier et le tyran d’un royaume enchanté. 

Il était trois fois 
Avec sa structure baroque et ses passages secrets entre trois univers imbriqués, La vie est un roman symbolise à la perfection la première moitié de la filmographie d’Alain Resnais. On y retrouve son goût pour les labyrinthes mentaux et les errances existentielles dans des décors majestueux, à la manière de L’année dernière à Marienbad, mais aussi sa lucidité amère quant au poids de la grande histoire sur les destinées individuelles. La vie est un roman transcende cette profonde inquiétude en affirmant la puissance de l’imaginaire, faisant de la farce et du jeu le moyen d’abolir les conventions tant sociales qu’esthétiques. En cela, le film annonce des œuvres chantées comme On connaît la chanson ou Pas sur la bouche, et rappelle que Resnais, peut-être le plus grand expérimentateur de formes du cinéma français avec Jean-Luc Godard, envisagea toujours son art avec le sérieux d’un petit garçon qui raconte des histoires.