À nos coeurs qui murmurent

Matas, 14 ans, visage d'ange blond sous sa capuche, pleure dans le car qui s'enfonce entre les sapins enneigés. Abandonné tout bébé par ses parents toxicomanes, placé en orphelinat puis adopté par un couple de Vilnius qui ne supporte plus sa rage autodestructrice, il doit désormais vivre pour un temps indéterminé dans un nouveau et étrange foyer : ancien alcoolique, Zanas accueille avec sa famille des hommes adultes en proie à l'addiction, ou libérés de prison, dans une ferme isolée en pleine nature. Il leur offre le remède d'un dur labeur quotidien, entre soin des bêtes et travaux de construction, et d'une vie communautaire rythmée par son ardente foi chrétienne. Matas est le seul enfant du petit groupe mais il partage avec ses quelques compagnons de chambrée, tous plus âgés que lui, une longue histoire de colère et de souffrance. Avec eux, comme avec Zanas et sa famille, notamment son fils aîné, il trouve peu à peu un semblant de famille, tout en s'habituant à la discipline de sa nouvelle vie, et sans cesser d’attendre que sa tutrice se manifeste...

Oubli de soi
Originaire de cette région rurale de la Lituanie, le réalisateur Vytautas Puidokas a regardé vivre la petite communauté au fil des saisons, des jours et des travaux, sans quitter des yeux son jeune héros, souvent au premier plan. Par de longs et splendides plans fixes, il capte la beauté du ciel et des choses, les échanges parfois brutaux entre les êtres – les relations de Matas avec ses compagnons, et celles qu'ils tissent avec les animaux de la ferme, dont ils prennent soin avec diligence, s'accompagnent souvent de violence verbale –, la solidarité et la camaraderie timides, les bouffées de liberté et d'enfance... À l'écoute de ces "cœurs qui murmurent", son film hypersensible, intégralement en cinéma direct, parvient à partager, au plus près des protagonistes, une part de cette matière si humaine qui préfère parfois l'oubli de soi au risque de l'espoir.