À suivre :
Fritzi, histoire d'une révolutionAn Elephant Sitting Still
Dans une cité hostile, quatre personnages rêvent d’oublier leurs tracas et misères devant l’éléphant neurasthénique du zoo de Manzhouli... Traversé par un spleen immense, l’unique (et splendide) film du Chinois Hu Bo, qui s'est donné la mort à l'âge de 29 ans.
Une ville sinistrée de la Chine postindustrielle. Yu Chen, un jeune voyou, se réveille après une nuit morose passée avec la fiancée d’un ami. Ce dernier rentre au petit matin et, sans faire aucun reproche, se jette aussitôt par la fenêtre. En butte aux sarcasmes des réseaux sociaux qui ont éventé son idylle avec le vice-proviseur de son école, Huang Ling se rapproche d’un camarade bizuté "en cavale", Wei Bu. L’adolescent a "osé" riposter et pousser dans l’escalier l’un de ses persécuteurs, qui se trouve être le petit frère de Yu Chen. Ce dernier s’est résolu à contre-cœur à venger cet affront, comme l’impose le code d’honneur familial. Mais Wei Bu demeure introuvable. Sur le point d’être mis à la porte de chez ses enfants, Wang Jin tente d’échapper à la maison de retraite qu’ils ont prévue pour lui. Les rêves de ces différents personnages convergent vers un même horizon : celui du zoo de Manzhouli, à quelques heures de la ville, un endroit réputé pour son éléphant qui reste obstinément assis, et dont l’attitude semble faire écho à leur marasme.
Déflagration
Un premier long métrage-fleuve (près de quatre heures) à la bande-son déglinguée et aux couleurs blêmes, traversé par une mélancolie mortifère. Pour des raisons mal connues, son auteur, le Chinois Hu Bo, s’est donné la mort, à 29 ans, peu après avoir terminé cette œuvre testamentaire. Un conflit l’opposait aux producteurs du film, qui souhaitaient en raccourcir la durée. Leurs noms ont depuis été retirés du générique. Ce suicide participe bien sûr de la déflagration causée par cette œuvre météorique, mais par-delà le choc, le film sidère par la façon dont il entrelace les tourments de son auteur avec ceux de son pays, cette Chine postindustrielle aux usines à l’arrêt, noyée sous un épais brouillard de pollution, où tout se délite : les amours, les principes et la solidarité familiale. Ses quatre antihéros à la mine de papier mâché se rapprocheront et prendront la tangente après de longs détours, beaucoup d’errances et de tracas – construction labyrinthique qui participe au magnétisme du film. À travers cette amicale des proscrits et la modeste échappée qu’elle s’autorise – la visite à cet éléphant réfractaire au spectaculaire barrissement –, se lit un immense ras-le-bol, la tentation de l’exil ou d’une irrémédiable fuite.
Réalisation
Hu Bo
Pays
Chine
Année
2018