TwistKaunas 2022 : quand l’art défie la guerre

L’invasion russe en Ukraine a réveillé de vieux traumatismes dans l’ancienne république soviétique de Lituanie. Capitale européenne de la culture cette année, Kaunas a choisi de revenir sur son passé complexe et contradictoire. Tragique ironie de l’histoire, elle est rattrapée par le conflit en cours. Défier l’amnésie et la guerre, renforcer l’identité et la combativité, manifester sa solidarité envers le peuple ukrainien : c’est là que la culture révèle toute sa force. Bianca Hauda s’entretient ainsi avec Daiva Price, la conservatrice du Memory Office, programme dédié à l’héritage multiculturel de la ville. Preuve s’il en est que le brassage des cultures est bien vivant : c’est justement à Kaunas que la chanteuse ukrainienne Kateryna Strutynska a trouvé refuge. Les démons du passé, mais aussi du présent, Aiste Ramunaite les affronte en réalisant des créatures chimériques. William Kentridge, artiste sud-africain dont les ancêtres juifs sont originaires de Lituanie, explore quant à lui les parts d’ombres de la mémoire dans l’exposition That What We Do Not Remember. Théâtre du plus grand massacre perpétré en Lituanie pendant la Seconde Guerre mondiale, le Fort IX est au cœur du projet Ecce Homo de Bruce Clarke et Tebby W.T. Ramasike. Grâce à l’artiste britannique et au chorégraphe sud-africain, ce lieu hanté par l’histoire devient à présent synonyme de réparation. À la gare de Vilnius, le photographe de presse lituanien Jonas Staselis a installé des images grand format réalisées par des photographes de guerre ukrainiens. Les voyageurs en transit entre Moscou et l’enclave de Kaliningrad sont ainsi confrontés à la vérité de la guerre menée par Vladimir Poutine. Le photographe Maxim Dondyuk utilise lui aussi son objectif pour contrer la propagande du Kremlin. Ses travaux donnent à voir aux passagers russes le martyre de la population ukrainienne. Chaque jour, le train effectuant l’aller-retour Moscou-Kaliningrad traverse toute la Lituanie et passe par Kaunas. À l’heure de la guerre, cette liaison ferroviaire est devenue un sujet éminemment politique.