C’est toujours la même chose. Rien à faire : dans la mémoire collective, Berlin et New York sont indétrônables de leur piédestal de reines des nuits les plus folles du monde. À elles les Lou Reed et Basquiat qui paradent dans le temple festif d’Andy Warhol ou les Iggy et Bowie se gavant de tout ce qui peut s’ingérer en déambulant dans une jungle de bitume délirante. À Paris, les amoureux qui jettent des petites clefs de cadenas dans la Seine devant la Tour Eiffel qui clignote parce que c’est « soooo romantic ».
Hé ho, ça suffit maintenant !
Paris, elle aussi, a été capitale de l’underground et il s’en est passé des choses ici, et pas piquées des hannetons en plus. C’était il y a trois décennies et, c’est bien simple, tous les chemins de l’alternatif menaient à Paris : batcave, punks, new wave, queers extravagants, taggers, breakdancers… quand le glas des années Giscard a sonné, au début des années 80, toutes les tribus les plus hétéroclites ont foulé les pavés de la capitale. À l’effervescence du Saint-Germain-des-Prés des fifties de Sartre et de Vian, puis de Mai 68, Paris fait sa troisième révolution : la contre-culture bouillonne dans la rue, les salles de concerts et les clubs devenus mythiques comme les Bains Douches ou le Palace. On y croise Iggy Pop et Saint Laurent, Keith Haring ou Béatrice Dalle, Divine et Madonna. Tout est possible et l’hédonisme est roi et il saute aux yeux dans Paris Capitale Underground qui vient de sortir aux Editions La Martinière et nous plonge dans la longue nuit folle de Paris qui a duré presque deux décennies à travers les images de son témoin privilégié, le photographe Jean-Claude Lagrèze. La preuve par l’image que oui, Paris c’est la ville lumière de la vie en rose mais c’est aussi celle où le plus sulfureux des performers, Leigh Bowery, venait régulièrement mimer des accouchements sur scène, à poil, sanglé et sur des talons de 50 sans que ça choque personne.