Au saxo, il y avait Masto, Tomas Heuer (Masto en verlan) de son vrai nom. Né à Paris en 1960, il se rend régulièrement à Hambourg avec son père, le peintre Barlach Heuer, qui l’emmène voir sa famille et balade son rejeton dans le quartier antifasciste de Sankt Pauli. À l’époque, il ne le sait pas encore mais « la haine des Fachos » est dans son ADN : il apprendra bien plus tard que son grand-père, instituteur dans l’Allemagne des années 40, remplaçait le salut nazi réglementaire au début de chaque journée par un bras d’honneur. Dénoncé pour un morceau de beurre, il fût arrêté et exécuté par la Gestapo. Quarante ans plus tard, Masto et les Bérus inventent le cri de ralliement anti-FN : « la jeunesse emmerde le Front National ». Masto découvre la contre-culture à l’adolescence lorsqu’il traine dans les rues de Paris avec ses potes. À cette époque là, dans les seventies, les punks ne squattent pas encore la fontaine des Innocents. Pas de skins non plus, mais les Teddy Boys sont reconnaissables entre dix mille grâce à leur terrifiante banane.
Depuis son refuge corse et malgré le peu de réseau disponible, on a pu passer un coup de bigo à Masto.
"Vers 1977-1978, il y avait encore les Teddy Boys. C’était les anciens, et quand on n’était pas beaucoup de punks à Paris, une cinquantaine au plus… il trainait des mythes autour d’eux, genre qu’ils avaient jeté un keupon sur les rails du métro. Quand on voyait l’ombre d’une banane de ces mecs de 30 ou 35 ans armés de couteaux, on flippait un peu. C’était une trouille fantasmée."
A la fin des seventies, les punks parisiens s’inscrivent dans le sillage d’un mouvement qui va d’abord voir le jour en Angleterre. À Londres en 76, Malcolm Mclaren et Vivienne Westwood lancent les Sex Pistols qui résonnent comme un bon gros f*** à la société thatchérienne. Le punk devient la bande son d’une jeunesse anglaise frappée de plein fouet par le chômage de masse. Comme l’écrit Jon Savage dans son livre England’s Dreaming : Les Sex Pistols et le Mouvement Punk, « l’innocence des sixties s’aigrit comme du lait caillé en cynisme des seventies ». En 2004, le grand manitou du punk nous racontait sa folle épopée doigt levé.