Mais ce n’est pas tout, le transhumanisme s’appuie aussi sur la "révolution de l’information" pour affirmer que le cerveau pourra lui aussi être augmenté à coup de puces greffées dans le cortex, capables d'injecter de l'information directement dans le cerveau. L'intelligence artificielle illimitée au service de l'intelligence humaine limitée en somme. Imaginez donc pouvoir apprendre instantanément le chinois sans en avoir vu et lu une seule ligne . Une légende urbaine prétend que nous n'utilisons que 10% de nos neurones, le potentiel est donc énorme. Laissons pour l'instant de côté l'éventualité d'un "brainhack" ou d'un "biohack", mais le risque est, lui-aussi, énorme.
Pour les transhumanistes, le cerveau augmenté n'est qu'une étape. Prenez date : "dans trente ans, les humains seront capables de télécharger leur esprit en totalité vers des ordinateurs pour devenir numériquement immortels" selon Ray Kurzweil, directeur de l’ingénierie chez Google. Les hommes pourront donc vivre sans l’entrave d'un corps périssable. Comprenez bien : pour les partisans de ce mouvement, le corps est une "anomalie génétique (...), c'est le vestige d'une humanité dépassée" selon le sociologue David Le Breton.
Le rêve transhumaniste, de la science-fiction ?
Le transhumanisme est un mouvement, une idéologie voire même une religion selon Olivier Ezratty, consultant digital. Comme dans toute religion, il y a des prophètes, ou plutôt des "technoprophètes". Le géant du web, Google, en est un : comme porte-voix, on peut difficilement faire mieux.
L'analogie entre transhumanisme et religion s'arrête là : selon Olivier Ezratty, cette "technoreligion" signifie la fin de la religion. Tout simplement parce qu'elle repose sur la volonté de "l'homme à vouloir devenir son propre dieu".
Le CRISPR Cas9, c'est quoi ?
Les transhumanistes ont bon espoir de parvenir à leurs fins : les progrès actuels de la science sont bluffants. Aujourd’hui, on se prend à rêver que tout soit un jour proche guérissable grâce au progrès technique. Prenons l'exemple de la génétique : en 2012, Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna ont découvert le CRISPR Cas9, une méthode permettant de couper-coller des branches d'ADN. Cette technique aura permis à une équipe chinoise de créer des chiens bodybuildés et à une entreprise du Minnesota de faire naître des vaches laitières sans corne. Pas franchement utile ce genre d'expériences me direz-vous, mais elles montrent que cette technique de modification des gènes -irréversible- fonctionne et est très prometteuse.
C'est au nom de ces promesses que le chercheur à l'Inserm, Eric Marois, travaille sur l'éradication du paludisme grâce aux ciseaux génétiques du CRISPR Cas9. "Soit on élimine le moustique, (…) soit on essaye de comprendre pourquoi certains moustiques n’arrivent pas à éliminer le parasite". Soit on éradique une espèce entière, soit on guérit le moustique avant l’homme : pour le chercheur, ces options sont durablement possibles par CRISPR Cas9.
Le problème dans tout ça, c'est qu'on ne sait pas ce que l'écosystème deviendrait sans moustique. Un autre problème est soulevé par le généticien Jean-Louis Mandel : supprimer des gènes, c'est rompre un équilibre, "s'il est présent, c'est pour une raison. Même si on ne sait pas encore laquelle." La manipulation génétique est encore trop embryonnaire et il est trop tôt pour s'aventurer à la manipulation d'embryons humains, comme les Chinois ont pu le faire en 2015.
Bref, on ne peut pas encore affirmer que toutes les maladies seront "éradiquées en 2100" comme l'affirme le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, un autre transhumaniste qui a investi quelques milliards d'euros pour réaliser cette prophétie et faire avancer l'espérance de vie moyenne au-delà de 100 ans...
Le transhumanisme est-il compatible avec l’intelligence artificielle ?
Revenons à nos moutons électriques. La finalité du transhumanisme -ou au moins de la partie de ce mouvement concentré dans la Silicon Valley- est d'offrir à l'humanité la capacité "de devenir numériquement immortels". Pour cela, Google a massivement investi dans les recherches sur l'Intelligence artificielle. Et pas à pas, la firme américaine avance avec des faits d'armes qui pourront vous sembler anecdotiques.
En octobre 2015, l'intelligence artificielle Deepmind a écrasé le champion européen en titre de go, Fan Hui, par cinq victoires à zéro et l'un des meilleurs joueurs mondiaux Lee Sedol. Le professeur de gynécologie obstétrique, Israël Nisand explique comment la machine a appris : "en s'entrainant des milliards de fois avec une autre machine". Ce n'est donc pas un logiciel de simulation de jeu de go, comme il en existe depuis des années, mais un ordinateur à qui on a insufflé la faculté d'apprentissage. Autre exemple : la Google Car, une voiture qui sera bientôt capable de conduire sans action humaine et, surtout, de façon plus sûre que n'importe quel humain. Prochaine étape pour Google DeepMind : le cancer. En 2016, elle a annoncé un partenariat avec des hôpitaux britanniques pour faciliter le traitement des cancers de la tête et du cou et permettre de localiser les zones touchées.
Dans le domaine de la santé, l'intelligence artificielle s'est déjà taillée une place de choix, si bien qu'Israël Nisand annonce déjà "la disparition des radiologues, dermatologues et chirurgiens". Dans un futur pas si lointain, les robots chirurgicaux opéreront mieux que les hommes. Mais Israël Nisand a oublié de mentionner le sombre avenir des oncologues. L'intelligence artificielle d'IBM, Watson, est capable de prévoir une leucémie bien avant que le corps médical puisse le diagnostiquer. Le cofondateur de l'agence cofondateur de l'agence Izhak, Mickaël Ben David, affirme que "cette intelligence artificielle est capable de détecter en 300 mots d'un patient, les signes d'une schizophrénie".
Tout cela, c'est aujourd'hui et maintenant. Demain, le corps médical sera contraint de recourir à des IA plus évoluées : "l’analyse complète de la biologie d’une tumeur exige, par exemple, 20 000 milliards d’octets (20 téraoctets)". Là où un homme mettrait des années à digérer et traiter cette quantité d'informations, l'IA le fera sans ciller en un claquement de doigts.
Ces progrès en matière d'IA semble marquer la fin de l'intelligence humaine. D'ailleurs, en augmentant des machines à la place des hommes, n'est-ce pas en complète contradiction avec le transhumanisme ? Pas forcément. Google avance et investit sur ces deux terrains à la fois. D'ailleurs, Mickaël Ben David résume bien cette volonté de perfectionner l'intelligence non humaine : "chaque projet technologique a créé un secours. Lorsque l'ascenseur a été inventé pour nous faciliter la vie, l'escalier de secours a été créé. Il en va de même pour l'humanité : l'intelligence artificielle est une humanité de secours".