L'Europe connaît une flambée des cas de rougeole. Cette maladie y ressurgit dans quatre pays où elle était considérée comme éliminée, s'inquiète jeudi l'OMS, appelant à intensifier la vaccination. Au Royaume-Uni, 953 cas ont été signalés en 2018 (489 depuis le 1er janvier 2019), tandis que 2 193 ont été répertoriés en Grèce (28), 1 466 en Albanie (475) et 217 en République tchèque (569). Pour l'OMS, le statut d'"élimination" correspond à l'absence de transmission continue pendant 12 mois dans une zone géographique particulière.
"La reprise de la transmission de la rougeole est un problème préoccupant. Si l'on ne parvient pas à établir et à maintenir une couverture vaccinale élevée dans chaque communauté, les enfants et les adultes connaîtront des souffrances inutiles, et certains seront voués à une mort tragique", a prévenu Günter Pfaff, le président de la Commission régionale de vérification de l'élimination de la rougeole et de la rubéole.
L'Organisation mondiale de la santé fait état de 89 994 cas de rougeole dans 48 pays européens au premier semestre 2019, plus du double par rapport à la même période de l'an dernier (44 175). La rougeole est endémique dans 12 pays, dont la France et l'Allemagne, pays dans lequel la vaccination deviendra obligatoire à partir de mars 2020.
De manière générale, la maladie est en forte recrudescence dans le monde. Plus de 360 000 cas ont été déclarés depuis janvier, soit les chiffres "les plus élevés" depuis 2006 et presque trois fois plus que pour la même période l'an dernier, selon l'OMS. La République démocratique du Congo, Madagascar et l'Ukraine sont les pays les plus touchés.
De graves complications
Extrêmement contagieuse et pouvant entraîner de graves complications, parfois mortelle, la rougeole se transmet habituellement par contact direct ou par l'air, infectant les voies respiratoires, puis se propageant à tout l'organisme. Souvent bénigne, la rougeole peut entraîner des complications graves, respiratoires (infections pulmonaires) et neurologiques (encéphalites), en particulier chez les personnes fragiles. En Europe, 60% des personnes touchées ont moins de 19 ans.
Il n'existe pas de traitement curatif, mais la maladie peut être évitée par deux doses d'un vaccin, selon l'OMS, qui évalue à plus de 20 millions le nombre des décès empêchés dans le monde entre 2000 et 2016 grâce à la vaccination. Les autorités sanitaires mondiales insistent sur l'importance du vaccin, au niveau individuel mais aussi collectif: une couverture vaccinale élevée (95% de la population) protège les personnes qui ne peuvent elles-mêmes être vaccinées, notamment car leur système immunitaire est affaibli (leucémie, traitement antirejet après une greffe...).
Défiance et problèmes d'accès aux soins
Dans les pays riches, l’augmentation des cas de rougeole est largement attribuée à une défiance envers les vaccins en général et le ROR (rougeole/oreillons/rubéole) en particulier. "Je pense que c'est une sonnette d'alarme pour le monde entier : il ne suffit pas de parvenir à une couverture nationale élevée, il faut le faire dans chaque communauté et dans chaque famille", relève Kate O'Brien, la directrice du département Vaccination à l'OMS. Selon une enquête mondiale publiée en juin, la France arrive en tête de ce scepticisme, avec une personne interrogée sur trois qui ne croit pas que les vaccins soient sûrs. Dans cette attitude de méfiance, la patrie du pionnier de la vaccination Louis Pasteur est suivie par le Gabon, le Togo, la Russie et la Suisse.
Beaucoup d'"anti-vax" s'appuient sur une publication de 1998 liant le vaccin ROR et l'autisme. Pourtant, il a été établi que son auteur, le Britannique Andrew Wakefield, avait falsifié ses résultats, et plusieurs études ont montré depuis que le vaccin n'augmentait pas le risque d'autisme. La défiance peut aussi avoir des motifs religieux, notamment dans certaines communautés juives et protestantes conservatrices.
Au niveau mondial, "la principale raison" de l'insuffisance de la vaccination des enfants reste la défaillance des systèmes de santé dans les pays pauvres, qui fait que ceux "qui en ont le plus besoin (n'y) ont pas accès", souligne l'OMS.
ARTE Info avec AFP