Dans un rapport publié mercredi, la Commission européenne estime "justifiée" l'ouverture d'une "procédure pour déficit excessif" contre l'Italie "au titre de sa dette". "C'est maintenant au Conseil (c'est-à-dire les Etats membres, ndlr) de se prononcer" sur cette procédure disciplinaire, qui peut aboutir à des sanctions allant jusqu'à 0,2% du Produit intérieur brut (PIB), soit environ 3,5 milliards d'euros, a souligné le commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici. Le vice-Premier ministre italien Matteo Salvini, chef de la Ligue (extrême droite), qui compose la coalition gouvernementale avec le Mouvement 5 Etoiles (M5S, antisystème), a réagi en dénonçant les précédentes politiques d'austérité qui ont selon lui entraîné une "hausse de la dette, de la pauvreté".
"La seule manière de réduire la dette créée dans le passé est de réduire les impôts et de permettre aux Italiens de travailler davantage et mieux", a-t-il assuré dans un communiqué. "Nous voulons seulement investir dans l'emploi, la croissance, la recherche et les infrastructures. Je suis convaincu que Bruxelles respectera cette volonté", a conclu M. Salvini, bien moins virulent que la semaine passée, où il avait raillé les possibles sanctions européennes et promis d'être "le plus têtu" face à Bruxelles.
"Il est inconcevable qu'un pays avec 6 millions de chômeurs (...) soit crucifié parce qu'il veut investir dans la croissance, l'emploi et la réduction des impôts", a réagi l'autre vice-Premier ministre Luigi Di Maio, chef du M5S. "Depuis des années, nous donnons sans recevoir (...) nous sommes totalement ignorés sur la question des migrants, par exemple. Tout le poids est sur nous, et, comme si ça ne suffisait pas, ils nous font la morale. Ça ne va pas comme ça, c'est trop facile", a-t-il insisté, promettant cependant que l'Italie discuterait "avec responsabilité" avec Bruxelles.
"Chef d'oeuvre"
La Commission s'inquiète de voir la dette italienne atteindre de nouveaux records: 132,2% du PIB en 2018, puis 133,7% en 2019 et 135,7% en 2020, soit largement au-delà des 60% du PIB fixés par les règles européennes. Elle souligne aussi que le déficit structurel du pays devrait s'aggraver en 2018 alors qu'une amélioration sensible était demandée. Le tout avec une croissance de 0,1% en 2019, selon ses prévisions, soit la plus faible de toute la zone euro.
"Il y a une voie vers la reprise et la croissance pour l'Italie", a estimé le vice-président de la Commission, Valdis Dombrovskis. Mais avec des "réformes", pas "un accroissement des dépenses", a-t-il ajouté. M. Moscovici a pour sa part invité le gouvernement au dialogue : "Ma porte reste ouverte", a-il twitté en italien. "En douze mois, la dette a augmenté, la croissance a baissé et les Italiens sont en danger. Un vrai chef-d'oeuvre", a ironisé Nicola Zingaretti, chef du Parti démocrate (centre gauche), le premier parti d'opposition. Constitué il y a un an, le gouvernement d'union, déjà handicapé par les profondes différences entre les deux alliés, chancèle depuis les élections européennes du 26 mai, qui ont renversé le rapport de force.
Le M5S, qui avait obtenu 32,5% des voix aux législatives de 2018, a sombré à 17%, tandis que la Ligue de Matteo Salvini a bondi de 17% à 34%. Le nouvel homme fort du gouvernement entend désormais dicter l'agenda politique, en particulier face aux menaces européennes. Dans ce contexte, le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, a menacé lundi de démissionner si les incessantes polémiques entre les deux partenaires gouvernementaux ne prenaient pas fin, et a rappelé son pays à ses obligations financières. Le gouvernement italien avait déjà eu maille à partir fin 2018 avec Bruxelles, qui avait rejeté son projet de budget 2019, jugé non conforme aux règles européennes. Les deux parties avaient finalement assoupli leurs positions pour parvenir à un compromis opportun à quelques mois des élections européennes.