Toujours plus de fermeté
“Wir schaffen das”, annonçait Angela Merkel en 2015, montrant la marche à suivre en matière de politique migratoire européenne. En réalité, l’ouverture des frontières allemandes n’a duré que deux mois. À l'automne 2015, les premiers doutes sont apparus et Berlin a recommencé à appliquer les accords de Dublin, selon lesquels un seul Etat peut enregistrer la demande d’asile. Depuis, la chancelière allemande n’a cessé de céder face aux pressions de l’aile conservatrice bavaroise. Dernière victoire obtenue par le ministre de l’intérieur et président de la CSU, Horst Seehofer en juillet : le refoulement des demandeurs d’asile déjà enregistrés dans un autre pays européen.
Et l’ouverture du regroupement familial n’est pas sans contrepartie. Dès août, l'Allemagne renverra des réfugiés vers la Grèce, tandis qu’à Bruxelles, on étudie la possibilité de les rappatrier chez eux ou dans des pays de transit. Pour Herbert Brücker, la solution ne tient pas compte de la réalité car le conflit en Syrie est loin d’être terminé et les conditions d’accueil dans les Etats voisins sont déplorables. “Tant que Bachar al-Assad sera au pouvoir, les réfugiés ne seront pas en sécurité chez eux. Ils pourraient être perçus comme des traîtres, car beaucoup se sont enfuis parce qu’ils étaient politiquement engagés ou bien parce qu’ils ont refusé d’intégrer l’armée.”
Sans famille, difficile de se construire
Selon le chercheur, le gouvernement allemand a manqué de courage. Le compromis trouvé entre les sociaux-démocrates et les conservateurs ne satisfait personne. Il aurait été préférable d’accorder le regroupement familial aux 60 000 personnes concernées plutôt que de délivrer les autorisations au compte-gouttes. Car en France comme en Allemagne, le regroupement familial est un aspect essentiel de l’intégration. Sans leurs proches, les personnes doivent s'intégrer seules, au risque de tomber en dépression. Pendant deux ans, Eid Alkhalaf a vécu en Allemagne avec le regard rivé sur son téléphone, en quête de nouvelles de sa famille restée en Turquie : “Je passais mon temps à penser à mes enfants, confie-t-il. Je m’inquiétais pour eux : comment vont-ils ? Que vont-ils devenir ?” Difficile, dans ces conditions, de s’intégrer dans le pays, d’apprendre la langue et de se construire une nouvelle vie.