Olivier Père

Le Sang du vampire de Henry Cass

Cet été ARTE hisse les couleurs de l’Union Jack et célèbre la culture populaire britannique, avec un « Summer of » riche en films, documentaires et concerts. A cette occasion, le cinéma d’horreur et d’épouvante n’est pas oublié, avec trois titres fameux disponibles gratuitement et exclusivement sur la plateforme web d’ARTE, dès maintenant et jusqu’à fin mai 2018. Trois films qui couvrent trois décennies, et nous rappellent que la firme Hammer ne possédait pas du cinéma fantastique en Grande-Bretagne. Les films de la Hammer peuvent presque tous prétendre au statut de classique désormais, avec au sommet d’une liste pléthorique les chefs-d’œuvre signés Terence Fisher. Mais nous avons préféré vous proposer trois films emblématiques d’un cinéma bis anglais mal famé, trivial et pourtant réjouissant, au mauvais goût et à l’humour noir « typiquement british », tel qu’on pouvait le découvrir dans les salles spécialisées des deux côtés de la Manche.

Malgré son titre Le Sang du vampire (Blood of the Vampire, 1958) n’est pas à proprement parler d’un film de vampire, mais le sang y joue un rôle essentiel. Un savant fou le docteur Callistratus a été exécuté. Il est ressuscité par son fidèle serviteur bossu et défiguré grâce à une greffe du cœur. Il peut ainsi poursuivre ses recherches scientifiques malpropres sur les déficiences sanguines en toute impunité dans un asile psychiatrique dont il a la charge, seul maître d’un univers concentrationnaire infernal, dont les infortunés prisonniers lui servent de cobayes.

Il s’agit d’un petit bijou vénéré par les amateurs comme un sommet de cinéma sadique et sadien. Le film est cruel et malsain, traversé d’images choquantes (un homme dévoré par les chiens, un autre ligoté et fouetté, un laboratoire sordide encombré de cadavres et d’organes) et on imagine sans peine les nausées et évanouissements provoqués à l’époque de sa sortie par un spectacle choc dépassant les bornes de la bienséance à la fin des puritaines années 50. Il faut dire que les productions anglaises étaient bien plus dévergondés que les films français pour lesquels les sommets de l’audace consistaient à montrer à la sauvette des bouts de sein de nos starlettes nationales.

Il y a aussi dans Le Sang du vampire des scènes plus coquines et sadomasochistes (des figurantes peu farouches à moitié dépoitraillées, enchaînées et martyrisées par un bossu libidineux) qui n’échappèrent pas aux ciseaux de la censure avant d’être miraculeusement réintégrées au montage après avoir fait fantasmer deux ou trois générations de cinéphiles pervers.

Le Sang du vampire de Henry Cass et Le Cauchemar de Dracula de Terence Fisher ont été tournés presque simultanément et les deux films sont sortis en Grande Bretagne à deux mois d’intervalle, au cours de l’été de la même. Ils partagent le même scénariste Jimmy Sangster déjà responsable des deux premiers Frankenstein de la Hammer et qui deviendra un stakhanoviste du fantastique et du thriller au cours des décennies suivantes. Ce sont donc les deux bornes opposées d’une période passionnante. Comme l’a remarqué Jean-Marie Sabatier dans son livre de référence « Les Classiques du cinéma fantastique » (Balland, 1973, épuisé), l’un est un ultime récapitulatif de l’âge d’or du serial avec ses péripéties sadiques et feuilletonnesques (Le Sang du vampire), l’autre une ouverture vers une approche moderne et foncièrement novatrice du genre fantastique. « Démesuré et génial, le film d’Henry Cass résonne comme un dernier adieu aux chers ingrédients du film américain. La même année, en tournant Revenge of Frankenstein et Horror of Dracula, Fisher fondera un ordre nouveau. » (Jean-Marie Sabatier, ouvrage cité.)

Qui était Henry Cass? Un tâcheron sans doute, dont le reste de la filmographie est tombé dans les oubliettes. « Quand le génie souffle sur une époque, il trouve certes de grands créateurs pour en exprimer la continuité, mais il ne manque pas d’honnêtes artisans pour le sentir passer et pour en adopter l’esprit. » (JMS)

La réussite du Sang du vampire incombe sans doute aussi à ses producteurs, Robert S. Baker et Monty Berman, également réalisateurs d’un excellent Jack l’éventreur et qui se distingueront de leur concurrent Hammer en allant encore plus loin dans le sadisme et la trivialité, s’hésitant pas à rajouter des détails sadiques et érotiques à des films aux arguments scabreux, mais souvent de grande qualité (L’Impasse aux violences de John Gilling.)

 

Cliquez sur ce lien pour voir Le Sang du vampire, mais aussi La Griffe de Frankenstein et La Poupée diabolique

 

https://www.arte.tv/fr/videos/RC-014873/trois-classiques-du-cinema-dhorreur-britannique/

 

Ces trois films sont également disponibles en DVD, édités par Artus.

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