Olivier Père

Le Trou de Jacques Becker

Dans le cadre de sa soirée consacrée à Jacques Becker ARTE diffuse Le Trou (1960) en version restaurée, lundi 10 avril à 20h55. Ce film sera suivi par Falbalas à 23h05.

Le Trou est le chef-d’œuvre posthume de Jacques Becker, mort prématurément le 21 février 1960 alors qu’il venait d’achever le montage du film. Adapté d’un roman de José Giovanni et produit par Serge Silberman, Le Trou est tout simplement l’un des films les plus fascinants de l’histoire du cinéma.

Gaspard (Marc Michel), un jeune homme accusé de tentative d’homicide avec préméditation sur la personne de son épouse, est incarcéré à la prison de la Santé. Il est conduit dans une cellule déjà occupée par quatre détenus. Ces derniers lui révèlent bientôt qu’ils creusent un tunnel qui doit les conduire hors des murs de la prison, en empruntant les égouts. Le Trou est un film à part dans la carrière de Jacques Becker et dans le cinéma français. Dans ce récit définitif d’amitié et de quête de la liberté, Becker rejoint définitivement Hawks, Bresson et Buñuel, cinéastes avec lesquels certains de ses films entretenaient déjà des relations étroites. Entièrement situé dans une prison et souvent entre les quatre murs d’une cellule, c’est un film d’hommes, soudés par la même obsession mais aussi la camaraderie. La plénitude que ressent pour la première fois Gaspard en compagnie de ses compagnons de cellule peut évoquer un trouble homosexuel réprimé, une attirance pour des hommes dont le code d’honneur, le courage et le rapport à l’action sont les principes d’une éthique virile. Le film baigne dans un climat de frustration sexuelle provoquée par l’absence des femmes. On y voit naître aussi chez Gaspard un désir diffus et nouveau engendré par la fréquentation d’hommes qui n’appartiennent pas au même monde que lui, petit parvenu des beaux quartiers.

Avec son style épuré, ses longues plages silencieuses, son fétichisme des objets et ses nombreux gros plans descriptifs, la mise en scène de Becker évoque aussi Robert Bresson – l’auteur du plus grand film d’évasion français avec Le Trou, Un condamné à mort s’est échappé – et Luis Buñuel. Comme chez l’auteur de Belle de jour, l’hyperréalisme documentaire du Trou débouche à de nombreuses reprises sur de pures images poétiques. La scène de l’araignée nourrie par le surveillant (interprété par Paul Préboist) ressemble à un hommage direct à Buñuel, grand amateur d’insectes et autres bestioles. Le producteur du Trou Serge Silberman deviendra en 1964 celui de Buñuel pour une série de cinq films initiée par Le Journal d’une femme de chambre. Le Trou est adapté d’un roman de José Giovanni, ancien condamné à mort devenu scénariste et cinéaste après avoir été gracié, et qui a consacré plusieurs romans et films à la question carcérale. Pour Le Trou, Giovanni s’est inspiré d’une histoire vraie, comme l’explicite le préambule – une présentation face à la caméra de l’un des protagonistes. Le Trou est interprété par des comédiens néophytes choisis dans un souci d’authenticité. Marc Michel, Michel Constantin et Philippe Leroy deviendront célèbres et poursuivront leurs carrières après Le Trou, tandis que Jean Keraudy est un ancien taulard qui participa à la véritable tentative d’évasion que relate le film. Le Trou est un classique inaltérable et génial, toujours aussi stupéfiant de modernité et d’intensité dramatique.

 

Ressortie en salles du Trou le 19 avril en version restaurée, avec deux autres films de Jacques Becker : Casque d’or et Touchez pas au grisbi (distribution : les Acacias).

 

Rétrospective intégrale des films de Jacques Becker à la Cinémathèque française du 5 au 29 avril 2017.

Catégories : Actualités · Sur ARTE

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