Olivier Père

La Cloche de l’enfer de Claudio Guerin Hill

L’étrange Cloche de l’enfer (La campana del infierno, 1973) est une rareté absolue doublée d’un film maudit. Le réalisateur Claudio Guerin Hill, dont c’était le troisième long métrage, mourût en effet dans un accident – chute d’un mur – lors du dernier jour de tournage, alors qu’il préparait un plan complexe dans une église. La fin des prises de vues fut assurée par Juan Antonio Bardem. La Cloche de l’enfer est une coproduction franco-espagnole qui s’apparente au genre horrifique, alors à la mode de l’autre côté des Pyrénées.

La censure franquiste étant assez permissive en matière de violence sanguinolente, certains jeunes cinéastes n’hésitèrent pas à s’engouffrer épisodiquement dans ce filon commercial pour y distiller en contrebande une critique de la famille et des institutions religieuses, sociales et politiques. C’est le cas de La Cloche de l’enfer qui raconte la sortie d’asile psychiatrique d’un jeune bourgeois, bien décidé à se venger de sa tante qu’il juge responsable de la mort de sa mère. Il ourdit un plan machiavélique contre la vieille femme paralysée et ses trois filles. Cette sombre histoire d’héritage et de folie, aux lisières du fantastique, s’inscrit dans une mouvance intellectuelle et subversive de l’horreur ibérique des années 70 illustrée par des films comme La Mariée sanglante de Vicente Aranda ou Cannibal Man de Eloy de la Iglesia qui n’hésitaient pas à délivrer un message anarchisant et antisocial par l’intermédiaire de fables bizarres aux images choquantes, mais ancrées dans la réalité espagnole. La Cloche de l’enfer n’est sans doute pas un modèle de construction dramatique, mais il offre une profusion d’idées dérangeantes et tordues (une tentative d’assassinat par piqures d’abeilles) et baigne du début à la fin dans une ambiance malsaine, avec des partis-pris de mise en scène tapageurs en phase avec l’époque. L’ombre de Buñuel plane. Le film qui dresse un portrait féroce de notables de province – une partie de chasse manque de déboucher sur le viol collectif d’une adolescente, tandis qu’un certain attirail fétichiste et sadomasochiste – des jeunes femmes nues ligotées et suspendues comme du bétail, prêtes à être sacrifiées, la fixation pour les masques et les mannequins – évoque le nouveau cinéma de terreur et les émules modernes de Norman Bates.

DVD édité par Artédis / Zylo.

 

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