Olivier Père

L’Enfer de Claude Chabrol

ARTE diffuse L’Enfer (1994) lundi 27 février à 20h55, dans le cadre d’un hommage à Claude Chabrol en trois films. L’Enfer est un projet particulier dans la carrière de Chabrol puisque le cinéaste a pris comme point de départ un scénario préexistant d’un film inachevé, imaginé par Henri-Georges Clouzot, et qui devait être interprété par Romy Schneider et Serge Reggiani. Le réalisateur du Corbeau, frappé d’un émoi moderniste et sexuel, écrivit L’Enfer en 1964. Le tournage du film fut interrompu et jamais repris en raison de divers incidents et problèmes de santé de Clouzot, empêtré dans des recherches formelles inspirées par l’art cinétique et des situations érotiques intenses. Chabrol reprend l’histoire de Clouzot – la jalousie pathologique d’un homme marié à une femme trop belle – mais préfère revenir à la première version du script plutôt qu’à celle qui devait être filmée, dénaturée selon lui par des expérimentations délirantes.

Avec L’Enfer, Clouzot – en osmose fiévreuse avec son sujet – aurait sans doute accouché d’un film fou. Chabrol signe un film réussi sur la folie, ce qui n’est pas plus mal. Chez Chabrol la raison de la mise en scène, implacable, domine toujours le déchaînement des pulsions et les pathologies de ses personnages. La jalousie est pour Chabrol une maladie qui contamine Paul (François Cluzet) et à travers ses yeux le film tout entier.

Chabrol est loin d’être un cinéaste purement réaliste. L’étiquette de chroniqueur narquois de la bourgeoisie provinciale est réductrice. Il a souvent décrit des univers mentaux, et son style s’inscrit à la lisière du fantastique. L’Enfer en constitue un bel exemple. A la réalité des faits viennent se substituer les fantasmes paranoïaques d’un mari jaloux, comme des images écrans. Chabrol enregistre le basculement progressif d’un homme dans la folie. Le film devient l’exploration d’un cerveau malade qui invente des fictions alternatives. Ces dernières se superposent au récit, puis viennent en remplacer le déroulement normal. Chabrol conclut son film sur une spirale vertigineuse, un délire condamné à ne jamais s’achever, un gouffre sans fond, comme l’enfer.

 

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