Olivier Père

Et Dieu… créa la femme de Roger Vadim

ARTE diffuse Et Dieu… créa la femme (1956) de Roger Vadim mercredi 28 décembre à 20h55, en version restaurée.

A Saint-Tropez, Juliette affole plusieurs générations d’hommes : deux frères qui se disputent ses faveurs et un riche entrepreneur prêt à tout pour la séduire…

Dans le paysage mesquin du cinéma commercial français, Et Dieu… créa la femme préfigure avec quelques années d’avance la modernité et la spontanéité de la Nouvelle Vague. Davantage qu’à la volonté d’un manifeste esthétique, cela tient sans doute à l’état d’esprit de Vadim, qui n’a que 28 ans lorsqu’il écrit et réalise son premier film. Son regard sur sa jeune héroïne, et sur le personnage incarné par Jean-Louis Trintignant n’est pas chargé de la condescendance qui caractérisaient la représentation de la jeunesse dans les films français des années 50, mis en scène par des cinéastes confirmés – exception faite du beau Rendez-vous de juillet que Jacques Becker consacra en 1949 à la nouvelle génération de Saint-Germain-des-Prés. Vadim aborde l’érotisme et la sensualité de sa muse avec une franchise mêlée d’insolence et filme Bardot en toute liberté, rayonnante de beauté. Mis à part une conclusion à la morale assez conservatrice, Vadim et Bardot bousculent les bonnes mœurs de la société française de l’époque, avec le personnage de Juliette, jeune orpheline dont l’attitude vis-à-vis des hommes, de l’amour et de son propre corps va déclencher une révolution au-delà du cinéma, dans la musique, la mode et les mentalités. Bardot qui n’était encore qu’une starlette avant le succès de scandale de Et Dieu… créa la femme va devenir un sex symbol dans le monde entier, une superstar comme aucune actrice française avant elle. Bardot ne se contente pas d’exhiber un corps magnifique sans aucune fausse pudeur. Sa façon de parler et de se mouvoir à l’écran, sa nonchalance animale, son je-m’en-foutisme bouleversent toutes les conventions de l’écran, les clichés ou les dialogues trop littéraires. Et le film dans tout ça ? Vadim a l’excellente idée de localiser son histoire à Saint-Tropez et ses environs. Ce coin de paradis qui n’était à l’époque qu’un petit port traditionnel, entouré d’une nature sauvage, confère au film une lumière et des couleurs méditerranéennes, un éclat et un charme immédiats. Le film marque autant l’apparition du mythe B.B. qu’il témoigne d’un îlot du midi de la France pas encore détruit par le tourisme et l’urbanisme. Il serait injuste de prétendre que le film ne serait rien sans Bardot. La mise en scène de Vadim sait capter la beauté de son actrice et des décors naturels, grâce à une superbe photographie en couleur et en Cinémascope. Le flamboyant Et Dieu créa… la femme, déclaration de guerre contre la grisaille, la laideur et la médiocrité, reste de très loin son film le plus réussi. Dans une scène, Brigitte Bardot écoute avec un plaisir non dissimulé une chanson de Gilbert Bécaud en compagnie de Jean-Louis Trintignant. Un seul plan (de fiction) parvient à réunir trois moments de la vie sentimentale tumultueuse de la jeune femme, présent et futur. On a trop souvent oublié l’apparition fugace de Jean Lefebvre en play-boy ringard qui encaisse un râteau de la part de notre B.B. nationale dans un troquet au début du film. Normal.

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Un commentaire

  1. Excellente version pour célébrer les 50 ans de ce chef d’œuvre.
    Merci.

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