Olivier Père

Tire encore si tu peux de Giulio Questi

Rimini éditions propose en blu-ray un titre fameux du western italien, en version intégrale non censurée, dans un master haute définition.

Tire encore si tu peux (Se sei vivo spara !, 1967) est le premier long métrage de Giulio Questi, en pleine mode du western à l’italienne.

Film maudit à l’époque de sa sortie, victime de la censure qui tailla dans les débordements sadiques et sexuels de ses images, le western de Giulio Questi est devenu au moment de la redécouverte du cinéma bis transalpin un objet de culte, adulé par les amateurs de pellicules déviantes. Tire encore si tu peux est l’avatar monstrueux et westernien de la modernité italienne, dans la lignée des films de Tinto Brass et Bernardo Bertolucci, eux-mêmes sous l’influence croisée de Godard et d’Antonioni. Le rapprochement n’est pas fortuit puisque Brass, Bertolucci et Questi partagent alors le même scénariste et monteur, Franco Arcalli surnommé Kim Arcalli, personnage assez génial qui aura une influence artistique et intellectuelle souterraine et néanmoins déterminante sur tout un pan du cinéma moderne italien jusqu’à son décès prématuré en 1978.

Tomas Milian crucifié dans Tire encore si tu peux

Tomas Milian crucifié dans Tire encore si tu peux de Giulio Questi

C’est peut-être le western psychédélique ultime – du moins le plus réussi – qui pousse à leur paroxysme la transgression, la distorsion voire la destruction non seulement des figures du genre, mais aussi de la narration classique. Un métis bisexuel (Tomas Milian, héraut prolétaire des westerns de Sollima – photo en tête de texte), trahi et enterré vivant par ses complices, débarque dans une ville pourrie où deux clans se disputent de l’or volé. Tire encore si tu peux n’est pas le seul western italien à lorgner vers le film d’horreur, mais ce résumé ne donne qu’une faible idée du vent de démence qui souffle sur le film, véritablement possédé par la mauvaise pulsion (torture, viol collectif homosexuel, inserts gore) et le fétichisme. Tomas Milian, comme un ange ivre, incarne une sorte d’icône christique – il ressuscite au début du film, puis se fait crucifier à moitié nu dans une geôle – déchiré entre le souvenir d’un éphèbe blond et une prostituée. L’acteur cabotin au charisme indéniable trouve l’un de ses rôles le plus grandioses dans ce film infernal, véritable chaînon manquant entre les collages pop de Tinto Brass et l’érotisme pasolinien. La violence du film n’est pas seulement graphique et outrancière, elle est aussi politique. Ancien résistant comme son ami et complice Kim Arcalli Giulio Questi transpose dans ce western des épisodes de son expérience dans le maquis et les souvenirs de tortures et de massacres de populations civiles. Tire encore si tu peux, qui provoqua un terrible scandale à sa sortie, fut ainsi expurgé de ses passages les plus explicitement sadiens et homophiles qui furent ensuite restitués lors d’une première diffusion télévisée dans les années 90 en France et dans les différentes éditions DVD qui suivirent. Le film devint alors l’un des titres favoris d’une nouvelle génération de cinéphiles et de cinéastes amateurs d’objets déviants, comme Nicolas Winding Refn qui le cite souvent parmi ses films de chevet. La scène dans laquelle Uma Thurman est enterrée vivante dans Kill Bill vol. 2 provient directement de Tire encore si tu peux (et de Frayeurs de Lucio Fulci).

 

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