Olivier Père

L’Etrangleur de Rillington Place de Richard Fleischer

Carlotta permet de revoir un film essentiel de Richard Fleischer et de l’histoire du cinéma, disponible pour la première fois en DVD et Blu-ray en France.

Installé en Grande-Bretagne, le cinéaste américain Richard Fleischer a tourné la même année – 1971 – Terreur aveugle et L’Etrangleur de Rillington Place. Ces deux films sont centrés autour des meurtres d’un maniaque mais leurs orientations esthétiques sont diamétralement opposées : Terreur aveugle joue la carte du récit « pulp » et emprunte de nombreux éléments au thriller. L’Etrangleur de Rillington Place reconstitue avec exactitude des faits réels et opte pour une approche clinique, hyperréaliste. Les deux films s’intéressent aussi à la violence entre classes, aux rapports de soumission et de domination – et donc de désir réprimé, sujets constamment abordés par la littérature et le cinéma britanniques.

Judy Geeson et Richard Attenborough dans L'Etrangleur de Rillington Place de Richard Fleischer

Judy Geeson et Richard Attenborough dans L’Etrangleur de Rillington Place de Richard Fleischer

L’Etrangleur de Rillington Place (10 Rillington Place) est la conclusion géniale et terrifiante d’une série de films que Fleischer consacra à des études de cas criminels réels et qui compte deux de ses meilleurs titres, La Fille sur la balançoire et L’Etrangleur de Boston. Mais L’Etrangleur de Rillington Place les transcende, car cette étude psychologique sur un tueur en série et ses victimes est aussi un réquisitoire contre la peine de mort (un innocent sera exécuté à la place du coupable) et contre l’extrême pauvreté et l’injustice sociale qui régnaient encore dans la société anglaise de l’après-guerre. De 1944 à 1949, dans un quartier misérable de Londres, John Reginald Christie viole et assassine plusieurs jeunes femmes parmi ses locataires en abusant de leur confiance et de leur pauvreté. Cinéaste caméléon Fleischer adopte l’esthétique du cinéma anglais de l’époque et signe un drame sordide magistralement interprété par Richard Attenborough dans le rôle de Christie, psychopathe à la monstruosité ordinaire. L’Etrangleur de Rillington Place est l’un des films les plus éprouvants et désespérés de l’histoire du cinéma, héritier d’un courant naturaliste à la Dickens mais aussi de toute l’horreur mentale et morale du XXème siècle, qu’elle soit historique (l’ombre des crimes de guerre commis par les nazis plane sur le film), sociale ou politique.

Un chef-d’œuvre qui dialogue avec Frenzy de Hitchcock, réalisé l’année suivante. Un grand film politique, qui confirme que Fleischer n’était pas seulement un artisan des studios et un homme à tout faire, aussi brillant soit-il, capable de répondre à toutes les commandes.

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