Olivier Père

Exte de Sono Sion

Sono Sion nous intrigue. Cet élément perturbateur du cinéma japonais n’est jamais en retard pour produire à la chaine des films provocateurs et délirants, avec des résultats inégaux mais toujours passionnants. Nous découvrons ses films dans le désordre, souvent en retard de plusieurs années, au hasard des sorties DVD ou plus rarement des festivals. Sono Sion ne nous est jamais apparu comme un fou furieux, ou un marchand de violence cynique et désinvolte. Poète avant d’être cinéaste, Sono Sion est un artiste punk. Il s’inscrit délibérément dans le sillage de l’écrivain Edogawa Rampo, utilisant comme lui des éléments érotiques, grotesques ou macabres au sein de récits qui empruntent aux genres populaires pour parler de folie ou de révolte. Sa filmographie est protéiforme. Les œuvres libres et expérimentales alternent avec les commandes plus commerciales, selon un rythme très soutenu.

Exte (Ekusute, 2007) est la contribution de Sono Sion à la J-horror. Son approche du cinéma fantastique va se révéler profondément personnelle et originale, très éloignée des clichés du genre. Cela n’empêche pas Sono Sion de réutiliser en les modernisant plusieurs éléments des histoires de fantômes japonais. Le moindre n’est pas la longue chevelure noire des spectres féminins, qui joue dans Exte un rôle central. L’idée d’extensions capillaires qui tuent les clientes d’un coiffeur est certes farfelue, mais elle cache une histoire plus sérieuse, à double entrée. Les deux traitent de la violence faite aux femmes, où les cheveux se transforment en instrument de vengeance. La découverte d’un cadavre de jeune femme dans un container envahi de cheveux inaugure un conte morbide. Un fétichiste capillaire aux penchants nécrophiles dérobe le corps à la morgue, excité par ce cadavre dont les cheveux continuent anormalement de pousser, dotés de pouvoirs meurtriers. L’autre histoire, encore plus angoissante, concerne une petite fille victime de maltraitance qui tente d’échapper à la cruauté et à la folie de sa mère en se réfugiant chez sa tante, qui travaille dans un salon de coiffure et essaye tant bien que mal de protéger la fillette des agressions de sa sœur. Sono Sion décrit un univers féminin dans lequel la figure maléfique de la mère est contrebalancée par des jeunes femmes bienveillantes et solidaires. Les manifestations surnaturelles sont littéralement des « extensions » de situations réalistes et sordides. Les jaillissements d’effets spéciaux et de violence surréalistes n’occultent en rien le propos rigoureux du cinéaste, et son style – relativement – sobre. Loin du grand n’importe quoi annoncé, Exte est un drame psychologique où Sono Sion s’intéresse avant tout à ses personnages de femmes en lutte et en souffrance, et leur témoigne beaucoup d’empathie.

 

Exte est proposé en édition limitée blu-ray + DVD par HK vidéo, en vente depuis le 12 d’octobre.

Exte de Sono Sion

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