Olivier Père

Du soleil dans les yeux de Antonio Pietrangeli

Belle manière de faire connaissance avec un cinéaste un peu oublié. Du soleil dans les yeux (Il sole negli occhi, 1953) est le premier long métrage de Antonio Pietrangeli, qui n’en signa que onze, en raison de sa disparition prématurée en 1969, à l’âge de 49 ans, noyé accidentellement sur le tournage du film Quand, comment et avec qui ? terminé par Valerio Zurlini. Avant même de découvrir cette information biographique, on ne pouvait s’empêcher d’établir un lien entre ces deux cinéastes trop discrets, remarquables pour leur sensibilité et leur délicatesse. Les grandes réussites de Zurlini et Pietrangeli, portraitistes élégiaques, les situent à part des maîtres transalpins de la modernité ou de la comédie douce amère. Leurs films contiennent une fêlure secrète et intime qui les rendit plus tristes et plus beaux que certains classiques officiels du cinéma italien.

Pietrangeli a consacré ses meilleurs films à la condition féminine. Du soleil dans les yeux s’attache à la vie de Celestina, une jeune fille de la montagne qui quitte son village pour échapper à la pauvreté, débarque à Rome dans un quartier moderne où elle trouve un emploi de bonne à tout faire. Naïve et timide, elle s’acclimate avec difficulté à sa nouvelle existence, dans un environnement urbain hostile ou indifférent. Diverses mésaventures vont obliger Celestina à passer de maisons en maisons, toujours injustement renvoyée. La succession de ses maîtres, issus de la petite bourgeoisie ou de l’aristocratie, forme une comédie humaine où Pietrangeli croque des caractères pittoresques et épingle les ridicules de la société italienne du boom économique. Celestina doit en permanence se protéger des humiliations sociales liées à son rang et à son sexe, et de la menace que représente les mâles italiens, harceleurs ou mufles.

Du soleil dans les yeux de Antonio Pietrangeli

Du soleil dans les yeux de Antonio Pietrangeli

Le personnage masculin principal, un plombier qui séduira Celestina avant de la trahir, est typique d’un pays qui va se compromettre moralement, renoncer pour accéder frénétiquement à la richesse et au confort. Tout ce qui réunira brièvement les amants, une attirance sensuelle mais aussi une forme de solidarité de classe, sera détruit par l’opportunisme et la lâcheté de l’homme, empêtré dans ses mensonges et ses contradictions. Le séduisant Gabriele Ferzetti incarne à la perfection cette veulerie masculine qui demeure l’un des grands sujets du cinéma moderne italien. Le même acteur sera choisi par Antonioni pour interpréter sept ans plus tard un autre amant accablant de faiblesse, version mondaine, dans L’avventura.

Irène Galter avait été découverte par Giuseppe De Santis dans Onze Heures sonnaient en 1951. Avec son image de « fiancée idéale des Italiens » et son joli minois, elle est le choix idéal pour jouer Celestina, jeune fille sage et religieuse victime du désir des hommes.

Le dernier acte du Soleil dans les yeux atteint une dimension mélodramatique à la fois puissante et non conventionnelle.

 

Réédition en salles et en version restaurée le mercredi 12 octobre, distribué par Les Films du Camélia.

 

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