Olivier Père

Les hommes préfèrent les blondes de Howard Hawks

Théâtre du Temple ressort en salles Les hommes préfèrent les blondes (Gentlemen Prefer Blondes, 1953) de Howard Hawks mercredi 25 août.

C’est chose connue, Hawks a réalisé au moins un chef-d’œuvre dans tous les grands genres hollywoodiens. Ainsi, Les hommes préfèrent les blondes est-il un classique absolu de la comédie musicale. Il se distingue des célèbres réussites en ce domaine de Minnelli, Cukor ou Donen par sa touche typiquement hawksienne. Hawks s’intéresse moins aux chorégraphies et aux chansons (pourtant entrées dans la légende), et à la fluidité des passages dansés et chantés dans le cours du récit, qu’au comportement et à la philosophie de ses deux héroïnes. Nulle trace de sentimentalisme, de romantisme ou de nostalgie, ni de tentation coloriste ou picturale dans ce film dont chaque scène porte la signature de son auteur, cinéaste de l’action et du temps présent. La modernité des hommes préfèrent les blondes tient dans son approche satirique et même caricaturale, son esthétique de « cartoon » qui annoncent les comédies délirantes de Frank Tashlin ou Blake Edwards elles aussi inspirées par le dessins animées et la bande dessinée. Hawks a souvent mis en scène des femmes fortes qui se caractérisaient par des qualités masculines, ou du moins attribuées aux hommes dans le cinéma américain des années 30 ou 40 – courage, indépendance, humour cynique et donjuanisme. Ici il opte pour une version agressive et surjouée de la féminité. Lorelei (Marilyn Monroe) et Dorothy (Jane Russell) sont des caricatures de la femme, des femmes travesties en femmes – une scène reprend littéralement cette image avec une Jean Russell déguisée en Marilyn Monroe, où une simple perruque blonde suffit à berner une vaste assemblée masculine. Les deux créatures de rêve interprétées par Marilyn Monroe et Jane Russell, showgirls inséparables, sont des guerrières dont les armures sont leur hyperféminité, leur beauté irrésistible une arme de séduction massive. Elles avancent masquées, maquillées et poudrées, se dissimulent derrière les tares que leur ont accolées les hommes – la blonde stupide et vénale, la brune nymphomane –, absorbent les clichés misogynes pour mener à bien leur plan de carrière et triompher dans un monde dominé par la gent masculine, par diverses stratégies, pièges et manigances. Les hommes eux aussi sont des caricatures. Ils offrent une vision grotesque et dénaturée de la virilité, personnages socialement riches et puissants, mais débiles dans l’intimité de leur rapport aux femmes – un vieillard libidineux, un enfant trop précoce, un milliardaire benêt maladivement jaloux… Les hommes préfèrent les blondes est donc un véritable et précoce manifeste du « girl power », un film iconique en raison du sex appeal et du génie comique de ses actrices – Marilyn Monroe y trouve son meilleur rôle – et qui trouve un profond écho dans des films aussi variés que Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy – la féminité comme travestissement, Choses secrètes de Jean-Claude Brisseau – le sexe comme ascenseur social et Showgirls – le corps comme armure, sans oublier la chanson « Material Girl » de Madonna et sa vidéo qui cite le numéro musical « Diamonds Are a Girl’s Best Friend. »

Marilyn Monroe et Jane Russell dans Les hommes préfèrent les blondes de Howard Hawks © Twentieth Century Fox Film Corporation

Marilyn Monroe et Jane Russell dans Les hommes préfèrent les blondes de Howard Hawks © Twentieth Century Fox Film Corporation

 

 

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