Olivier Père

Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick

Pour clore en beauté la programmation cinématographique de son Summer of Scandals ARTE diffuse Eyes Wide Shut dimanche 21 août à 20h50. La disparition soudaine de Stanley Kubrick, le 7 mars 1999, a brutalement interrompu le feuilleton délirant de la genèse de ce qui allait devenir son film posthume, Eyes Wide Shut, sorti aux Etats-Unis quatre mois après la mort du cinéaste, survenu en cours de postproduction. Adapté d’un court roman de Arthur Schnitzler, Traumnovelle (1929), le film décrit les turpitudes d’un couple de bourgeois new yorkais confronté aux doutes de la jalousie et de l’infidélité et surtout l’odyssée nocturne du mari, un médecin entraîné dans une série de rencontres, de tentations et de mésaventures sexuelles qui tournent au cauchemar.
Deux ans de préparation et de tournage ultra secrets, le choix du couple vedette alors formé par Tom Cruise et Nicole Kidman (photo en tête de texte) dans les rôles principaux et le contenu sexuel du film avaient alimenté les rumeurs les plus folles. Le résultat est évidemment génial et fut au moment de sa découverte déceptif, puisque le film attendu comme un festival de débordements orgiaques et pornographiques ne parle que de frustration et de peur. Comme la jungle et les ruines de Full Metal Jacket, des rues entières de Manhattan furent reconstituées dans la banlieue londonienne, exacerbant la dimension onirique du film, par certains aspects totalement irréaliste et déconcertant. Comme Shining, Eyes Wide Shut est un « film cerveau » qui nous entraîne dans un voyage angoissant au cœur de la psyché humaine. Kubrick considérait Eyes Wide Shut comme son meilleur film et il avait peut-être raison. C’est un film récapitulatif, parsemé de références et de clins d’œil aux œuvres précédentes du cinéaste, mais aussi un retour aux sources de la Mitteleuropa (Schnitzler, écrivain viennois adapté au cinéma par Max Ophuls, que Kubrick admirait) et une création cinématographique profondément originale, surprenante et fascinante, toujours sur le fil du rasoir, qui démontre une ultime fois la supériorité magistrale de Kubrick en matière de mise en scène et de récit cinématographique.

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