Olivier Père

2001, l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick

ARTE diffuse 2001, l’odyssée de l’espace (2001: A Space Odyssey, 1968) de Stanley Kubrick lundi 15 août à 20h55, dans le cadre de sa programmation spéciale autour de la science-fiction.

Il existe indubitablement dans la carrière de Stanley Kubrick un avant et un après 2001, l’odyssée de l’espace. On pourrait affirmer sans exagération qu’il existe aussi un avant et un après 2001, l’odyssée de l’espace dans l’histoire du cinéma, et surtout un avant et un après 2001, l’odyssée de l’espace dans la vie de chaque spectateur, tant l’expérience, fascinante ou irritante, n’a laissé et ne laissera jamais personne indifférent. Andrei Tarkovski ne cacha pas son mépris et son énervement devant le film de Kubrick (Solaris n’est-il pas une réponse russe à 2001, l’odyssée de l’espace ?), tandis que d’autres cinéastes et critiques (la liste est trop longue) ne se remirent jamais de la vision du film, et avec eux un public immense, cinéphile ou non. C’est aussi à partir de 2001, l’odyssée de l’espace que Kubrick va réellement révéler la démesure de son génie et signer, à notre avis, ses films les plus mémorables.

En 1964, Stanley Kubrick surprend son entourage lorsqu’il prétend préparer une production sur les extraterrestres. Fort du succès de Docteur Folamour, il parvient à convaincre la MGM de lui donner carte blanche pour produire, écrire et réaliser en toute liberté le film de science-fiction le plus cher et le plus ambitieux jamais réalisé. Après avoir vu tous les films de science-fiction déjà filmés, qui ne lui plaisent guère, et choisi l’écrivain Arthur C. Clarke comme collaborateur, Kubrick se lance dans le tournage du premier « space opera adulte », et de son film le plus risqué. Kubrick s’entoure des meilleurs techniciens des effets spéciaux et invente avec eux des trucages sidérants de réalisme, en suivant de très près les progrès de la Nasa en matière de conquête spatiale. Le budget enfle jusqu’à dépasser la barre des 10 millions de dollars, une somme astronomique pour l’époque. Le tournage et le montage s’éternisent (près de trois ans) et la MGM se désespère de voir le film terminé un jour. Mais Kubrick surmonte tous les obstacles à la fabrication d’un objet cinématographique inédit. Il demeure concentré sur sa vision géniale d’un monde futuriste qui est avant tout prétexte à une réflexion angoissée sur l’humanité, de ses origines (le fabuleux prologue avec les hommes singes) à son avenir incertain, en proie à la violence, la peur de l’inconnu et le dérèglement de ses propres créations. Le résultat final, sorti en 1968, est une date (technologique et artistique) dans l’histoire du cinéma. C’est sans doute la seule superproduction hollywoodienne qui soit aussi un essai philosophique et un film expérimental. La critique est totalement déroutée par le message énigmatique délivré par cette expérience visuelle et sonore presque dénuée de dialogues, mais le public jeune réserve au film un triomphe inattendu et 2001, l’odyssée de l’espace ne tarde pas à intéresser les amateurs de substances illicites, qui vont voir le film plusieurs fois à cause de la séquence de la « porte des étoiles ». Kubrick, qui n’a jamais pris de drogue, vient d’inventer « le trip ultime », et d’entrer dans la légende.

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