Olivier Père

La Horde sauvage de Sam Peckinpah

Dans le cadre de son Summer of Scandals ARTE diffuse La Horde sauvage (The Wild Bunch, 1969) de Sam Peckinpah.

 

En 1969 le triomphe de La Horde sauvage propulse Sam Peckinaph au rang des réalisateurs vedettes de l’époque, aux côtés de Stanley Kubrick ou Sergio Leone.

La Horde sauvage relate la dernière chevauchée d’une bande de hors-la-loi vieillissants traqués par des chasseurs de prime, avec au bout du chemin un carnage mémorable par sa cruauté, sa longueur et ses jets d’hémoglobine. Nous sommes en 1913, au Texas. Le film s’ouvre également par un massacre, dans la rue principale d’une petite ville, lors du hold-up d’une banque qui tourne mal. Entre ces deux morceaux de bravoure, Peckinpah prend soin de ralentir l’action et de retarder l’issue tragique de son histoire, qui se terminera de l’autre côté de la frontière, dans un Mexique en proie à la dictature. Deke Thornton (Robert Ryan), l’homme qui poursuit Pike Bishop (William Holden) est son ancien frère d’armes, de la même génération fatiguée et dépassée par l’arrivée du XXème siècle. Il n’est guère pressé de mettre un terme à la cavale de son ancien ami, comme plus tard dans l’œuvre de Peckinpah Pat Garrett contraint de pourchasser puis de tuer Billy le Kid.

La Horde sauvage, dans lequel Peckinpah procède à une révolution formelle, entérine le chant du cygne du western, un genre « américain par excellence ». La dilatation de la durée, l’usage du ralenti et d’effets de montage syncopés dans les scènes de violence, un ton désenchanté deviendront la marque d’un cinéma baroque. La Horde sauvage est synchrone avec une Amérique bouleversée par les images insoutenables de la guerre du Vietnam déversées chaque soir par la télévision, un pays dont les valeurs fondatrices s’étiolent et qui traverse une grave crise morale et politique. La Horde sauvage est le reflet de son époque. C’est aussi l’affirmation de l’importance d’un grand cinéaste, qui va consacrer presque toute sa filmographie à l’étude du chaos et de la violence. Ce n’est peut-être pas le meilleur film de Peckinpah, mais l’un des seuls du cinéaste qui put rapidement prétendre au statut de classique, en raison de son accomplissement formel et de son succès international. La Horde sauvage connut des déboires avec la censure mais malgré quelques coupes (rétablies depuis) le cinéaste parvint à délivrer un film fidèle à sa vision et à ses intentions, contrairement à la plupart de ses autres longs métrages, qui souffriront de batailles perdues avec les studios ou les producteurs, qui dénatureront le travail du cinéaste, tenteront d’en atténuer le nihilisme et l’ambition stylistique. Dans La Horde sauvage Peckinpah développe certaines thématiques et élabore une esthétique qui vont non seulement imprégner ses films suivants, des Chiens de paille à Osterman week-end, mais aussi révolutionner durablement tout le cinéma américain, et le cinéma d’action en général, de l’Europe jusqu’à l’Asie.

William Holden dans La Horde sauvage de Sam Peckinpah

William Holden dans La Horde sauvage de Sam Peckinpah

 

 

Catégories : Sur ARTE

5 commentaires

  1. DHOYER dit :

    La horde sauvage que l’on peut voir aujourd’hui ne comporte plus les scènes de violence du film d’origine qui ont fait son succès, les passages censurés (on ne sait pourquoi au vu des films actuels) n’ont absolument pas été réintroduits et on ne peut pas retrouver le film d’origine .d’ailleurs si vous savez comment faire ,donnez moi les infos .Merci beaucoup .

  2. Olivier Père dit :

    Bonsoir à quelles scènes en particulier faites-vous référence ? les scènes les plus violentes de La Horde sauvage (la tuerie inaugurale après l’attaque de la banque, l’ami égorgé par le général mexicain et le carnage final) sont dans le film que j’ai vu plusieurs fois au cinéma et en BR. je crois qu’il y avait un montage où manquait le flash back montrant Robert Ryan se faire fouetter mais je l’ai vu dans des copies en circulation. sans doute que le film a été coupé pour la version à la télévision américaine mais en France aussi ?

  3. Bertrand Marchal dit :

    Voilà un cinéaste que j’ai réévalué à la baisse, je le place désormais assez bas. Je ne supporte plus ses afféteries stylistiques qui masquent l’absence d’un vrai regard. C’est simplement puéril et masturbatoire. Quelles leçons tirer de ces bains de sang filmés au ralenti avec la perversité d’un enfant qui regarde mourir une mouche à qui il a arraché les ailes? Les ralentis devraient être interdits.
    Il n’y a dans ce théâtre obscène rien de méritoire sur le plan de la morale, du message, de l’idée intellectuelle, de la création esthétique. C’est un film qui prend des allures proprement grotesques dès qu’on le regarde à la bonne distance.
    Un cinéaste que je sauve pour Cable Hogue, peut-être. Aucun de ses autres films à mon sens ne mérite les éloges que l’on chante à tue tête. Je lui en veux aussi pour avoir contribué à l’invention d’un réalisateur nommé Tarantino.

    • Olivier Père dit :

      Cinéaste inégal certes (et parfois à l’intérieur du même film) mais que je ne place pas aussi bas que vous.
      Son influence sur Tarantino est très limitée. Lui-même a avoué qu’il n’était pas un grand fan de Peckinpah, et que sa filmographie ne le passionnait guère à part trois films qu’il adore. Les vrais maîtres de Tarantino sont Leone et Corbucci, réalisateurs que vous ne tenez sans doute pas non plus en grande estime ?

  4. Bertrand Marchal dit :

    Si, j’aime bien Leone, mais je le regarde avec les yeux d’un gosse qui contemple un autre gosse qui lui raconte une histoire de gosse. Un gosse qui joue les démiurges en construisant des châteaux de sable. Corbucci étant un Leone encore plus gamin.

    Ce sont des cinéastes roublards pour qui le style est affaire d’effets, de « panache ». C’est théâtral dans ce que le théâtre a d’artificiel, de caricatural. Leur mise en scène est très exubérante, très soucieuse de se donner à voir. Elle s’installe en majesté en remplacement de l’étude de caractère, le lyrisme d’ensemble se substitue aux détails.

    Il était une fois dans l’ouest est un film en toc, rien n’y est crédible. Ça ne signifie pas qu’il est mauvais, ni que je ne prends pas du plaisir à me laisser avoir.

    Ce n’est pas la même chose avec Peckinpah qui lui, se prend très au sérieux et se fait passer pour un adulte qui a des choses à dire et dont les choix de mise en scène seraient les seul leviers graphiques pertinents pour exprimer ces idées. Là, je suis en total désaccord, car ces choix sont d’abord de l’esbroufe, ils ne portent aucune morale, aucune qui ne soit fertile en tout cas.

    Pour résumer mes impressions, je dirais qu’il y a chez Leone plus de candeur que de cynisme, une candeur qui s’exprime dans la pose: je fais « comme si ». Et chez Peckinpah, c’est l’inverse, le cynisme règne sans partage. C’est une rage nihiliste qui ne se soucie même plus de raconter une histoire qui s’incarnerait dans une humanité, une morale, car il lui faudrait alors regarder les hommes au fond et il en est bien incapable, puisque qu’à priori – par principe- il conteste toute forme de complexité.

    PS: je ne réponds a votre commentaire que maintenant, car ceci étant votre blog et non un forum, on n’est pas avertis d’une réponse à une publication…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *