Olivier Père

Goya l’hérétique de Konrad Wolf

Sur ARTE+7 on peut voir Goya l’hérétique (Goya – oder Der arge Weg der Erkenntnis, 1971) de Konrad Wolf avec trois autres productions de la DEFA, en plus de cinq films du studio est-allemand exclusivement en ligne, sur ARTE Cinéma.

Konrad Wolf fut l’un des cinéastes vedettes de la DEFA, cofondée par son père le dramaturge Friedrich Wolf. Il a fui l’Allemagne nazie avec sa famille. Après la guerre Wolf retourne en URSS où il étudie le cinéma, puis fait toute sa carrière en RDA. Son style parfois emphatique correspond à un certain lyrisme soviétique du cinéma officiel d’alors. Wolf se spécialise dans les grands sujets. Cependant les succès remportés par le cinéaste et sa notoriété vont lui permettre de développer des projets personnels et plus audacieux, comme J’avais 18 ans ou la superproduction Goya l’hérétique. Konrad Wolf est considéré par l’historien du cinéma Bernard Eisenschitz comme un homme « intègre, talentueux, seul à ne pas se soumettre aux dogmes du Parti. » Goya l’hérétique est une coproduction entre la RDA et l’URSS, tournée en Bulgarie, avec d’énormes moyens pour la DEFA, qui entend enrayer au début des années 70 le déclin de la qualité artistique de ses films, et la désaffection du public qui méprise les films à thèse à la botte du régime, souvent de médiocre qualité. Le film fut l’un des dix longs métrages de la DEFA tournés et exploités en 70mm. La DEFA voulait démontrer que Hollywood et de l’Occident capitaliste ne possédaient pas le monopole du cinéma à grand spectacle. Goya l’hérétique est une biographie filmée et une reconstitution historique débarrassée de la moindre influence américaine, tandis que d’autres productions du bloc de l’Est s’échinaient à imiter les westerns ou les films de science-fiction hollywoodiens. C’est plutôt du côté de Buñuel et de Eisenstein que Wolf puise son inspiration, avec une mise en scène fiévreuse et de grande envergure, en perpétuel mouvement, en un mot baroque. Le film dresse un portrait complexe de Goya, à la fois courtisan, peintre officiel du Roi Carlos IV, catholique, père de famille, amant fougueux, patriote d’origine humble, artiste génial et homme proche du peuple espagnol. Le film se concentre sur ses dernières années, sa relation passionnelle avec la duchesse d’Alba et ses problèmes avec l’Inquisition, qui condamne la violence et la crudité de ses visions. Le film retranscrit plutôt bien à l’écran le travail et l’œuvre picturale de Goya, sans sombrer dans l’imitation maladroite. Contrairement aux mauvais « biopics » sur les peintres célèbres, Goya l’hérétique n’est pas une croûte. Dans le rôle de Goya on reconnaît l’excellent acteur lituanien Donatas Banionis (photo en tête de texte) qui interprétait le cosmonaute de Solaris. Propagande communiste oblige, le film ne se prive pas de dresser un portrait peu flatteur de la royauté et de l’église catholique. Le peintre passe dans le film du statut de jouisseur embourgeoisé à celui d’artiste insoumis doté d’une conscience politique et morale. Le sous-titre original « le difficile chemin vers la connaissance » explicite le message idéologique du film.

Mais Konrad Wolf parvient à glisser en contrebande des idées un peu plus subversives. Un artiste est avant tout un individu, capable d’exprimer ses convictions mais aussi ses contradictions. Goya l’hérétique est un vibrant plaidoyer pour l’indépendance artistique, la liberté de créer et de penser.

Pour visionner Goya l’hérétique, cliquez ici

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Goya de Konrad Wolf

Goya l’hérétique de Konrad Wolf

 

 

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