Olivier Père

Les voitures qui ont mangé Paris de Peter Weir

ARTE diffuse dans la nuit du jeudi 21 juillet à 0h25 Les voitures qui ont mangé Paris (The Cars that Ate Paris, 1974), premier long métrage du cinéaste australien Peter Weir après des débuts à la télévision. Grâce à Wim Wenders on sait qu’il y a une ville nommée Paris au Texas, selon Peter Weir il en existerait aussi une au fin fond de l’Australie. Cette bourgade retirée de la civilisation survit en provoquant des accidents automobiles et en pillant les infortunés voyageurs, à la manière d’écumeurs de routes. Toutes les preuves sont effacées, les témoins tués ou réduits au silence. Les blessés des accidents sont trépanés dans l’hôpital local et maintenus à l’état de légumes par un chirurgien dément. Comme l’énonce son maire, Paris est une ville dont on ne peut pas s’échapper. Un pauvre type qui a survécu par miracle à un accident, en état de choc et phobique des voitures, va le découvrir à ses dépends. Les voitures qui ont mangé Paris est un film d’horreur pas comme les autres, avec beaucoup d’humour noir, un peu de gore et des éléments thématiques qui annoncent l’œuvre future de Peter Weir, parfaitement cohérente sous son apparente diversité – Weir a à peu près touché à tous les genres, avec un talent souvent exceptionnel. Le film suivant de Weir, qui lui permettra d’accéder à la célébrité, Pique-nique à Hanging Rock, relatait lui aussi des disparitions étranges dans l’outback australien, tandis que plusieurs de ses films les plus importants, tournés aux Etats-Unis, étudieront l’intrusion d’un corps étranger dans une communauté secrète et fermée, aux rites sacrés et immuables – Witness, The Truman Show

On retrouve dans Les voitures qui ont mangé Paris l’atmosphère poisseuse et angoissante d’un autre film cauchemar qui retenait son personnage principal captif d’une petite communauté dégénérée de l’outback, Wake in Fright (1972) de Ted Kotcheff. Weir montre un sous-monde tenu à l’écart du progrès et de l’essor industriel, et le développement d’une économie parallèle autour de la récupération d’épaves de voitures et des richesses de leurs propriétaires. Cette « ville des pirates » oubliée par l’Histoire renvoie à la fondation de l’Australie, ancienne colonie pénitentiaire de la Grande-Bretagne, pays qui va longtemps conserver sa nature sauvage et brutale, conquis par des parias du vieux continent à la fin du XVIIIème siècle. Le mélange de fascination et de terreur provoqué par des hordes de véhicules customisés en dragons ou en animaux préhistoriques, conduits par des voyous réduits à l’état de silhouettes, annonce bien sûr le Mad Max (1979) de George Miller, chef-d’œuvre du cinéma australien qui explosera à la face du monde au début des années 80 après bien des déboires avec la censure. Il existe un connexion évidente entre le premier film de Weir et la saga futuriste et motorisée du guerrier de la route, au point que George Miller rendra hommage aux voitures qui ont mangé Paris dans Mad Max : Fury Road avec l’apparition remarquée d’une Volkswagen Type 1 hérissée de dards, véhicule iconique du film de Weir.

Bruce Spence, qui joue l’idiot du village dans Les voitures qui ont mangé Paris, sera le pilote de gyrocoptère dans Mad Max 2 : le défi.

Les voitures qui ont mangé Paris, à la fois film d’auteur et film d’horreur, constitue une excellente introduction à la « ozploitation », catégorie qui réunit les films de genre produits en Australie dans les années 70 et 80, caractérisés par leur folie, leur sauvagerie et leurs bizarres singularités liées aux mœurs, coutumes et paysages autochtones. Ces films, très appréciés par les amateurs de fantastique et de curiosités cinématographiques, n’ont pas vraiment contribué à l’épanouissement du tourisme en Australie, à moins de rechercher les sensations fortes et les mauvaises rencontres pendant ses vacances.

 

 

Catégories : Sur ARTE

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *