Olivier Père

Un crime dans la tête de John Frankenheimer

ARTE diffuse Un crime dans la tête (The Manchurian Candidate, 1962) mercredi 20 juillet à 23h05.

 « Raymond Shaw (Laurence Harvey, photo en tête de texte) est un médaillé de la Guerre de Corée pour faits d’armes. Cependant, Bennett Marco (Frank Sinatra, dans l’un de ses meilleurs rôles), commandant, à l’époque, le peloton de Shaw, a des doutes sur ces exploits. De plus, il est assailli de cauchemars troublants qui vont l’amener à enquêter avec la CIA et le FBI sur R. Shaw. Qui est réellement celui-ci ? Adulé ou haï par ses hommes ? Héros de guerre ou agent double infiltré aux Etats-Unis ? Tueur de sang-froid ou psychopathe manipulé par une mère abusive (Angela Lansbury, géniale), qui tire aussi les ficelles de la campagne politique de son nouveau mari ? »

 Un crime dans la tête est le cinquième long métrage de John Frankenheimer qui fit ses débuts de metteur en scène à la télévision, où il acquit une grande notoriété dans la réalisation de dramatiques en direct. Ses méthodes de tournage à plusieurs caméras, pour respecter l’unité de temps de captations d’adaptations littéraires ou théâtrales inspireront Coppola au moment où ce dernier voulait tourner Coup de cœur en vidéo et en plans-séquences.

Après avoir signé plus d’une centaine d’émissions télévisées, Frankenheimer, technicien hors pair décide de se consacrer au cinéma à partir du début des années 60, et va s’atteler à des projets particulièrement ambitieux et visionnaires sur la politique et la société américaines.

Un crime dans la tête est l’une de ses réussites les plus spectaculaires et demeure un modèle de thriller paranoïaque, dans lequel les postulats délirants du scénario et certains partis-pris formels proches du fantastique et de la science-fiction s’inscrivent dans le contexte réaliste de la Guerre froide et de l’hystérie anticommuniste. Frankenheimer développe un style à la fois baroque et froid, avec une utilisation virtuose de la profondeur de champ, du grand angle et de cadrages dissonants qui renforcent le climat de malaise et de folie qui s’empare progressivement du film. Frankenheimer ira encore plus loin dans l’expérimentation visuelle avec L’Opération diabolique en 1966.

Les thèmes de l’assassinat politique et du lavage de cerveau seront de nouveau illustrés la décennie suivante dans d’autres œuvres marquantes du cinéma américain, comme À cause d’un assassinat de Alan J. Pakula. Quant à la scène de la préparation du meurtre lors d’un meeting politique, elle est reprise sans équivoque par De Palma dans Phantom of the Paradise. Le film de Frankenheimer était sans doute trop en avance sur son temps. Malgré son succès commercial, il ne fut pas pris au sérieux et recevra de mauvaises critiques notamment en France, où la presse de gauche se déchainera contre « un imaginaire de bande dessinée », avec méchants chinois experts en arts martiaux, mère diabolique et ancien soldat transformé en robot assassin.

Le film sortit aux Etats-Unis le 24 octobre 1962. Le 22 novembre 1963 le président Kennedy est assassiné à Dallas, apportant au film de Frankenheimer, ardent supporter, comme Sinatra, de JFK, un statut prophétique. Quelques années plus tard, Frankenheimer participa activement à la campagne présidentielle de son ami le sénateur Robert F. Kennedy. Le 5 juin 1968 c’était le cinéaste qui conduisait RFK à l’Hôtel Ambassador de Los Angeles où il fut abattu, le soir de sa victoire à la primaire de Californie.

 

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