Olivier Père

Simetierre de Mary Lambert

Dans le cadre de sa fameuse case « Trash » ARTE diffuse jeudi 9 juin, à 23h40, Simetierre (Pet Sematary, 1989) de Mary Lambert, d’après le roman éponyme de Stephen King. C’est la première fois que King adapte lui-même un de ses romans à l’écran. Alors qu’on aurait pu espérer un cinéaste de la trempe de George A. Romero derrière la caméra le projet est confié à la néophyte Mary Lambert, qui n’avait réalisé qu’un premier long métrage confidentiel et raté (Siesta) et des vidéos musicales pour Madonna avant Simetierre. Mary Lambert a pourtant signé avec Simetierre l’un des meilleurs films d’horreur américains modernes, l’un des plus terrifiants et surtout l’un des plus dérangeants. On peut considérer que la réussite de Simetierre incombe principalement à Stephen King, auteur de l’histoire originale et de son adaptation cinématographique, mais il ne faut pas négliger les qualités de la mise en scène de Lambert, dont la sobriété ne fait que renforcer le caractère glaçant du scénario, de même que le choix d’acteurs inconnus rend le film beaucoup plus réaliste et permet une implication émotionnelle du spectateur plus intense. Loin des déchainements baroques ou de l’hyper stylisation des grands films d’horreur de la décennie précédente, Simetierre adopte au contraire le parti-pris audacieux de la banalité, pour raconter l’histoire bouleversante d’une famille ravagée par le chagrin et la douleur. Simetierre s’attaque au tabou de la mort et au scandale ontologique que représente la mort accidentelle d’un enfant en bas âge, sous les yeux de ses parents. Le film convoque un imaginaire propre à King et déjà présent dans ses romans précédents, notamment The Shining, avec un cimetière indien capable de ressusciter les morts et une petite fille douée d’un pouvoir médiumnique. Simetierre terrifie dans son exploration de nos peurs les plus intimes : la maladie, la mort, la perte d’un enfant. Le film ose aller très loin dans la représentation de traumas destinés à rester enfouis ou cachés, impossibles à regarder en face. Corps suppliciés par la maladie ou des accidents, agressions humaines et animales, morts atroces, enfant zombie… Simetierre distille des visions de cauchemar, sur un mode clinique. Seules quelques reliquats d’un esthétisme expressionniste – le décor de la forêt qui dissimule le cimetière maudit, des espaces clos oppressants – renvoient à une tradition fantastique et au mythe prométhéen de Frankenstein. Mais Simetierre se cantonne la plupart du temps dans le registre des névroses familiales, de la culpabilité et du deuil. Il est d’ailleurs étonnant qu’un film d’horreur aussi triste et sombre ait été un important succès commercial au moment de sa sortie, adoubé à juste titre par les fans du genre et de Stephen King. La Paramount a fait un bon calcul en validant un projet aussi dérangeant, sans doute rassuré par la caution publicitaire de Stephen King et la modestie du budget. Mary Lambert n’a jamais renouvelé le miracle malsain de Simetierre et après une suite inférieure – sans la participation de King – sa carrière s’est poursuivie essentiellement à la télévision et le marché de la vidéo, avec des productions de seconde zone.

Il n’empêche que Simetierre demeure vingt-sept ans après sa réalisation une expérience de (télé)spectateur dont on ne ressort pas indemne. Vous êtes prévenus.

 

 

 

 

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