Olivier Père

Lenny de Bob Fosse

Wild Side a édité le 30 mars un combo blu-ray / DVD / livre consacré à un grand film américain des années 70, Lenny de Bob Fosse.

Le metteur en scène et chorégraphe Bob Fosse n’a réalisé que cinq longs métrages entre 1969 et 1983. A l’exception du premier, Sweet Charity, remake lourdingue façon Broadway des Nuits de Cabiria de Fellini, avec une Shirley MacLaine cabotine, tous sont exceptionnels et témoignent d’une ambition et d’une exigence hors du commun. Ces quatre films décrivent les liens étroits entre le monde du spectacle et les dérives violentes, internes ou externes, qui conduisent des personnages doués mais fragiles à la mort ou à l’autodestruction. Cabaret (1972) et le spectre du nazisme, Lenny (1974), Que le spectacle commence (1979) et Star 80 (1983) sur le meurtre sordide de la playmate Dorothy Stratten par son amant gigolo. Que le spectacle commence est un autoportrait à peine déguisé, tandis que Lenny, biographie filmée de Lenny Bruce était déjà une manière détournée pour Fosse de parler de lui-même et de son rapport passionnel et chaotique au show business. Soit d’un artiste dévoré par ses propres démons et brûlé par les feux du music-hall. Lenny Bruce était un comique célèbre et controversé qui défraya la chronique dans les années 60, arrêté plusieurs fois pour obscénité. Figure emblématique de la contre culture américaine (à l’instar d’un Andy Kaufman la décennie suivante) Bruce est considéré comme l’un des inventeurs du stand up, et ses spectacles, des monologues improvisés sur le sexe, le racisme ou d’autres sujets tabous, participèrent au mouvement de contestation et de liberté qui secoua l’Amérique puritaine. Fosse s’intéresse moins à l’art scénique de Bruce qu’aux coulisses de ses tournées, à sa vie privée mouvementée, et son addiction à la drogue. Bruce se marie avec Honey, une strip-teaseuse, et le couple va bientôt sombrer dans la cocaïne et l’héroïne. Lenny Bruce, de plus en plus empêtrer dans ses problèmes judiciaires et ses condamnations pour outrage aux bonnes mœurs, mourra d’une overdose le 3 août 1966 à Hollywood, à l’âge de 40 ans. Bob Fosse adopte un style visuel et une narration sophistiqués, qui imitent le reportage et le cinéma vérité, avec des témoignages des proches de Bruce après sa mort, intercalés dans le cours du récit. Avec un souci de vérisme documentaire Bob Fosse opte pour le noir et blanc, et fait appel à Bruce Surtees, directeur de la photographie qui avait surtout travaillé pour Don Siegel et Clint Eastwood, dans le domaine du western et du film d’action. Bruce Surtees, surnommé le « prince des ténèbres » signe une image magnifique et hyper contrastée, faite de pénombre et de lumière aveuglante. Sa photographie est pour beaucoup dans la réussite magistrale de Lenny. Bob Fosse y semble moins encombré par ses influences cinématographique, même si l’on décèle encore des emprunts aux films de Fellini. Les obsessions maniaques et le perfectionnisme de Fosse sur ses tournages ne concernaient pas seulement la direction artistique mais aussi celle des acteurs. Fosse a obtenu de Dustin Hoffman l’une de ses meilleures performances, au cours d’une relation de travail très conflictuelle. Le choix audacieux de Valerie Perrine, comédienne débutante dotée de mensurations généreuses pour jouer l’épouse de Lenny se révélera payant. La jeune actrice est remarquable dans un rôle difficile, et ne retrouvera hélas plus de rôle et de metteur en scène à la hauteur de son talent.

 

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