Olivier Père

La Fin du jour de Julien Duvivier

On peut revoir en salles en avril La Fin du jour (1939) de Julien Duvivier, restauré et distribué par Pathé, en attendant son édition en blu-ray cet été et sa diffusion sur ARTE à la rentrée. Nouveau chef-d’œuvre de l’association entre Duvivier et Spaak après La Belle Equipe, La Fin du jour est un hommage aux acteurs et à l’art théâtral. C’est aussi, plus prosaïquement, un film sur la vieillesse, au travers d’une inoubliable galerie de portraits. L’action se déroule dans une maison de retraite pour comédiens désargentés, L’abbaye de Saint-Jean-la-Rivière à Tarascon. Les pensionnaires ne savent pas encore que l’établissement, au bord de la faillite, menace de fermer ses portes. L’endroit est un havre de paix à peine perturbé par les marottes et le comportement facétieux de certains des vieux cabots qui refusent de s’assagir avec le temps. L’arrivée de Saint Clair, un séducteur cynique et mythomane, qui a davantage exercé ses talents dans les alcôves que sur les planches, va semer la perturbation dans l’abbaye. Film aux multiples caractères, La Fin du jour est néanmoins bâti autour de trois personnages principaux : Saint Clair, Marny, talentueux acteur qui n’a jamais connu le succès, accablé d’amertume par l’échec de sa vie professionnelle et sentimentale – sa femme l’a quitté pour Saint Clair et est morte dans des circonstances douteuses et Cabrissade, cabotin farceur qui a passé sa vie dans les coulisses, condamné au rôle de doublure qui ne monte jamais sur scène). La Fin du jour offre ainsi à trois acteurs l’occasion de compositions exceptionnelles : Louis Jouvet dans le rôle de Saint Clair, Victor Francen dans celui de Marny et Michel Simon génial en Cabrissade. On peut regretter que Raimu initialement prévu n’ait pas pu jouer l’un de ces personnages aux côtés de Jouvet et Simon. Jouvet et Simon qui accentuent à cœur joie l’aspect monstrueux et pathétique de Saint Clair et Cabrissade, vieillards aux destins funestes. On retrouve la noirceur maladive de Duvivier dans les portraits de Saint Clair et Cabrissade, son pessimisme sans illusions dans celui de Marny. Saint Clair pousse une jeune femme au suicide afin de prouver au monde qu’il est encore capable de faire chavirer les cœurs, tandis que Cabrissade, homosexuel qui apprécie la compagnie de jeunes boy-scouts, traversé par un ultime sursaut d’orgueil (jouer enfin la tirade de Flambeau dans L’Aiglon), connaîtra une mort tragique. Justement dédié « aux petits, aux obscurs, aux sans-grades » du théâtre, La Fin du jour s’achève sur une oraison funèbre dont se souviendront les auteurs des Nouveaux monstres, qui cite la scène sur un mode comique. Porté par de très grandes performances d’acteurs (Simon et Jouvet en tête), La Fin du jour est aussi un film mis en scène avec beaucoup de précision et même de virtuosité, comme c’est souvent le cas chez Duvivier.

 

 

 

 

 

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