Olivier Père

Rambo de Ted Kotcheff

Onze ans après Wake in Fright Ted Kotcheff réalise un autre film remarquable, devenu un phénomène non pas en raison de sa rareté ou de son étrangeté mais au contraire de son immense popularité, due en grande partie à son acteur principal et au personnage qu’il interprète. Au point que Sylvester Stallone a occulté la responsabilité de Ted Kotcheff dans la réussite du film, qui donna naissance à une nouvelle icône de la culture populaire, et à un second double cinématographique pour Stallone après le boxeur Rocky Balboa.

Tamasa Distribution a ressorti Rambo (First Blood, 1982) en salles le mercredi 15 juillet. Le 2 mars 1983 nous étions au cinéma pour découvrir époustouflé ce qui allait devenir le titre programmatique de tout le cinéma d’action des années 80. Soit un héros solitaire et bodybuildé, martyrisé mais invincible, confronté à une série d’épreuves et des ennemis de plus en plus nombreux dans un environnement hostile ; Des scènes de destruction spectaculaires et une inflation pyrotechnique au fur et à mesure que le film avance. Matrice des futurs films de John McTiernan et consorts Rambo a encore un pied dans les années 70, mettant en scène un marginal déclassé en butte à la bêtise et aux préjugés du shérif d’un petit bled, victime de violences policières. Le scénario initial envisageait la mort de Rambo à la fin du film, avant que Stallone n’imagine une autre destinée pour son personnage. John J. Rambo est un vétéran du Vietnam, ancien béret vert décoré pour actes de bravoures et véritable machine à tuer incapable de se réinsérer dans la vie civile. Son arrestation musclée réveille le souvenir traumatique des tortures Viêt-Cong – visualisés lors de brefs flashbacks, réminiscences de Rolling Thunder de John Flynn). Une chasse à l’homme s’engage dans la forêt, au cours de laquelle Rambo, de gibier désarmé et terrifié va bientôt se transformer en prédateur déterminé à reconquérir son honneur perdu.

Sylvester Stallone dans Rambo

Sylvester Stallone dans Rambo

Rambo antihéros pathétique du film de Ted Kotcheff devint par la suite le symbole reaganien de la fierté retrouvée des Etats-Unis après la défaite au Vietnam dans une série de films patriotiques, véhicules du narcissisme délirant de leur star, où Stallone métamorphosé en surhomme extermine à lui tout seul des bataillons de soldats nord vietnamiens et soviétiques. Cette esthétique de bande dessinée cocardière est absente du premier Rambo, qui opte au contraire pour une approche tellurique et sombre, avec l’énergie brute et sans fioriture d’une série B. Les techniques de survie puis celles de guérilla appliquées par Rambo, transposition dans l’Amérique rurale de ce qu’il a appris au Vietnam font du film de Ted Kotcheff un des meilleurs « survivals » jamais réalisés, avec Apocalypto de Mel Gibson.

Stallone était loin d’être le premier choix des producteurs pour interpréter Rambo mais il s’est emparé du rôle avec beaucoup de conviction, le rendant inoubliable. On peut regretter que Kirk Douglas n’ait pu tenir le rôle du Colonel Trautman, figure prométhéenne un peu verbeuse. Douglas quitta précipitamment le tournage, remplacé au pied levé par Richard Crenna, à cause des réécritures du personnage imposées par Stallone – les scènes dialoguées avec Trautman venu chercher son soldat d’élite sont d’ailleurs les passages les plus faibles du film, qui annoncent le manichéisme caricatural des titres suivants de la série.

Qu’importe. Cet intense Rambo vaut beaucoup mieux que sa réputation de film d’action simpliste, la photographie d’Andrew Lazslo et la musique de Jerry Goldsmith achèvent d’en faire un classique du genre, un titre important du cinéma américain.

 

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