Olivier Père

L’Ombre des femmes de Philippe Garrel

Découvert à la Quinzaine des Réalisateurs où il fut très applaudi L’Ombre des femmes de Philippe Garrel sort dans les salles françaises le 27 mai 2015, distribué par SBS / Capricci Films.

Après La Jalousie on retrouve Philippe Garrel au sommet de son art avec L’Ombre des femmes, presque un film reflet, double inversé du long métrage précédent, auquel il ressemble mais dans une version plus dure, plus tranchante, comme un diamant noir, une épure douloureuse de son art.

Garrel a de nouveau recours à un noir et blanc somptueux (Willy Kurant a cédé la place à Renato Berta), à l’écran large qui rend spectaculaire les plans les plus dépouillés, à un scénario à la simplicité biblique (un homme et deux femmes, sans enfant cette fois-ci).

Nous sommes en terrain connu et pourtant Garrel pousse à son point d’incandescence cette histoire d’amour, de désir et de travail, une matière qu’il reprend sans cesse comme un peintre ou un sculpteur depuis son retour au cinéma narratif au début des années 80.

Zur ARTE-Sendung Im Schatten der Frauen 2041700: Zwischen dem Ehepaar Pierre (Stanislas Merhar) und Manon (Clotilde Courau) bauen sich Lügen wie eine dunkle Mauer auf. Ist die Liebe der beiden stark genug, diese niederzureißen? © SBS Productions Foto: ARTE France Honorarfreie Verwendung nur im Zusammenhang mit genannter Sendung und bei folgender Nennung "Bild: Sendeanstalt/Copyright". Andere Verwendungen nur nach vorheriger Absprache: ARTE-Bildredaktion, Silke Wölk Tel.: +33 3 881 422 25, E-Mail: bildredaktion@arte.tv

Stanislas Merhar et Clotilde Courau dans L’Ombre des femmes de Philippe Garrel
© SBS Productions

Pierre (Stanislas Merhar) et Manon (Clotilde Courau) sont un couple de cinéastes qui font des documentaires ensemble. Ils vivent et filment dans un dénuement qui les oblige à accepter des petits boulots pour boucler les fins de mois. Pierre commence au début de L’Ombre des femmes un documentaire sur le témoignage d’un vieux résistant, qui permettra à Garrel tout au long de son film de prolonger sa réflexion sur le mensonge, passant de la sphère intime à celle de l’Histoire de France du XXème siècle qu’il avait déjà abordée dans Liberté, la nuit (l’OAS et les porteurs de valises du FLN), l’un de ses plus beaux films.

Puis Pierre rencontre une jeune femme Elisabeth (Lena Paugam, une révélation) qui devient sa maîtresse, et découvre par son intermédiaire que Manon a elle aussi un amant… de cette trame minimaliste Garrel tire un film émouvant et cruel sur la lâcheté des hommes et la souffrance des femmes. On parle à bon escient des hommes et des femmes car Garrel est capable de porter vers l’universel des histoires qui échappent constamment à la complaisance de l’autofiction.

Garrel filme à l’os, là où ça fait mal. Le choix des acteurs, nouveaux dans le monde de Garrel, n’est pas étranger à la douleur sourde qui se dégage de L’Ombre des femmes. Stanislas Merhar et Clotilde Courau reviennent de loin, on les avait perdu de vue. Révélés par Akerman et Doillon, sœur et frère de cinéma de Garrel qui aime toujours reprendre des visages et des corps apparus dans des films de cinéastes admirés, ils forment un couple d’une obscure clarté, lui presque fantomatique, gris – alors que Louis Garrel dans les films précédents de son père gardait quelque chose de juvénile et d’angélique – elle bouleversante de courage dans son plus beau rôle.

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Photo en tête de texte : Stanislas Merhar et Lena Paugam © Guy Ferrandis – SBS Productions

Catégories : Actualités · Coproductions

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