Olivier Père

Ceux qui servent en mer de Noel Coward et David Lean

Elephant propose à partir du 5 mai dans la collection « Cinéma Master Class » toute une série de films anglais des années 40 participant à l’effort de guerre. Parmi eux, le plus célèbre est sans doute Ceux qui servent en mer (In Which We Serve, 1942) de Noel Coward et David Lean, dans un combo Blu-ray et DVD en version restaurée inédite full HD.

Grande vedette de la scène et de l’écran en Grande-Bretagne, Noel Coward était ami avec Lord Mountbatten qui lui avait raconté le naufrage du vaisseau qu’il commandait, coulé par les Allemands. Coward décide de s’inspirer de cette histoire vraie pour écrire et mettre en scène un fleuron du cinéma de propagande anglais. Le nom de Coward n’apparaît pas moins de six fois au générique – il interprète également le rôle principal – mais il partage la réalisation du film avec le jeune David Lean, dont c’est le premier travail à ce poste. Lean, d’abord assistant opérateur, était devenu un monteur réputé avant de passer à la mise en scène sous les auspices de Coward. La collaboration sera optimale, sans compter l’importance du directeur de la photographie, Ronald Neame. Lean avait auparavant refusé de réaliser des séries B pour se faire la main, attendant son heure avec une grande œuvre à la hauteur de ses ambitions. Il ne sera pas déçu avec Ceux qui servent en mer un film de guerre à la gloire de la Marine britannique qui remportera un très grand succès, malgré la méfiance initiale des producteurs qui doutaient que l’on puisse faire un film de propagande efficace à partir de la destruction d’un bateau de guerre anglais par les Nazis.

Noel Coward dans Ceux qui servent en mer

Noel Coward dans Ceux qui servent en mer

Ceux qui servent en mer, dédié à la Royal Navy, narre l’histoire du destroyer HMS Torrin (le film débute par des images documentaires montrant sa construction dans un montage lyrique et rigoureux) mais c’est avant tout l’épopée humaine de son équipage qui intéresse Coward.

L’action débute le 23 mai 1941 au large de la Crète, lors d’une bataille navale. Le HMS Torrin parvient à couler plusieurs bateaux allemands mais il est touché par les bombes de Junkers arrivés en renfort.

C’est après avoir vu Citizen Kane que Coward aurait eu l’idée d’un récit morcelé et choral, qui débute par la fin et se poursuit avec de nombreux retours en arrière, adoptant les points de vue des quelques survivants du naufrage, accrochés à un canot, qui se remémorent leurs souvenirs de paix et de guerre. A travers cet échantillon d’hommes ordinaires Coward fait l’éloge de toute une nation. Ce film de guerre maritime fait la part belle aux scènes sur la terre ferme afin de souligner le courage des femmes et des familles loin du front – l’un des plus beaux moments du film concerne le bombardement de Londres par l’aviation allemande.

Emotion rentrée, humour pince sans rire, patriotisme tranquille, importance de la hiérarchie et des différences de classes : c’est le triomphe du cinéma classique anglais. A découvrir ou revoir le film aujourd’hui on est impressionné par cet étendard des valeurs britanniques (bravoure, dignité, pudeur) porté par des acteurs formidables. L’alternance des scènes civiles et militaires compose une fresque intimiste qui force le respect. L’humanisme de Ceux qui servent en mer est certainement imputable à Coward, tandis que la précision et la rigueur de sa mise en scène doivent beaucoup à la maîtrise précoce de David Lean.

Ceux qui servent en mer

Ceux qui servent en mer

 

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