Olivier Père

La Soupe au canard de Leo McCarey

Pendant les fêtes de Noël ARTE diffuse trois films des Marx Brothers : L’Explorateur en folie (Animal Crackers, 1930) de Victor Heerman dimanche 21 décembre à 23h, Monnaie de singe (Monkey Business, 1931) de Norman McLeod jeudi 25 décembre à 0h30 et Soupe au canard (Duck Soup, 1933, photo en tête de texte) de Leo McCarey le même jour à 23h25. Ce dernier titre – cinquième long métrage dans la filmographie des Marx – est sans nul doute le chef-d’œuvre des Marx Brothers, car il allie le génie comique des quatre frères à l’immense talent d’un grand metteur en scène, Leo McCarey, les autres films des Marx étant tous signés par d’honnêtes artisans, et parfois des tacherons, ne devant leur réussite qu’à l’inventivité burlesque, physique et verbale, déployée sans retenue par les joyeux frangins.

Les caisses de la Freedonie sont à leur niveau le plus bas. Une fois de plus le Conseil des ministres fait appel à la richissisme Mme Teasdale (Margaret Dumont, soufre-douleur habituel de Groucho) qui accepte à une condition : que le gouvernement se dote d’un nouveau chef, Rufus T. Firefly (Groucho Marx). Rivaux, espions et comploteurs vont tout faire pour discréditer l’homme providentiel, qui va semer un vent de panique dès son arrivée en Freedonie. La Soupe au canard est beaucoup plus sophistiqué en terme de scénario et de mise en scène que les délirantes pantalonnades qui l’encadrent. On constate par exemple l’absence des intrigues sentimentales parallèles qui entravent la folie des Marx Brothers dans les autres films. La Soupe au canard est toutefois un titre atypique dans la carrière de McCarey. Situé au début de son œuvre, quand il n’a pas encore signé ses classiques du mélodrame ou de la comédie, Soupe aux canard rappelle en revanche que McCarey débuta sa carrière en supervisant ou réalisant dans les années 20 plusieurs courts métrages burlesques pour le producteur Hal Roach, parmi lesquels ceux de Laurel et Hardy. McCarey avoua avoir eu du mal à supporter l’agitation permanente des Marx Brothers sur le plateau, gardant un souvenir désagréable du film et de son tournage. Il n’empêche que cette charge anarchisante contre l’armée, le pouvoir politique et les dictatures d’opérette à l’époque de la montée des fascismes en Europe demeure un sommet de drôlerie irrévérencieuse : on y retrouve le charme des comédies hollywoodiennes des années 30, avec leurs intermèdes chantés et leur décors luxueux, mis à mal par le mauvais esprit et la grivoiserie de Groucho, l’homme le plus drôle et à la moustache la plus excentrique de l’histoire du cinéma, véritable bourrasque et incongruité vivante accompagnée de ses trois frères, dont le poétique Harpo dont le mutisme permanent et l’expressivité faciale portent la nostalgie du cinéma muet à l’intérieur du parlant.

 

 

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