Olivier Père

Valdez de Edwin Sherin

Cela faisait longtemps qu’on voulait le voir celui-là, aguiché par les noms de Burt Lancaster et Elmore Leonard au générique, et on n’a pas été déçu !

Découverte tardive donc, grâce à Sidonis / Calysta qui le réédite ces jours-ci en DVD dans sa collection « Western de légende » de Valdez (Valdez Is Coming, 1971) de Edwin Sherin, excellent film plein de bonnes surprises et qui réjouira tous les amateurs de westerns tardifs réalisés dans le contexte de la guerre du Vietnam avec un sous texte politique directement lié à la crise morale que traversaient les Etats-Unis et le monde occidental en général à cette époque.

A Lanoria, petite ville d’Arizona, une bande sous les ordres de Frank Tanner terrorise les habitants. Valdez (Burt Lancaster), métis mexicain, est un petit officier de police obligé d’intervenir dans un lynchage organisé par Tanner, qui a accusé injustement un Noir d’être l’auteur d’un meurtre. Valdez, qui échoue à obtenir des réparations de la part de Tanner, se souvient de son passé d’éclaireur dans la cavalerie américaine et entreprend une croisade personnelle contre le tyrannique chef de clan, éliminant ses hommes un par un…

Burt Lancaster dans Valdez

Burt Lancaster dans Valdez

En interprétant ce constable plus tout jeune, d’abord humilié et martyrisé par une horde de soudards racistes et sadiques, puis se révélant un impitoyable guerrier, le grand Burt Lancaster ajoute un rôle magnifique à sa longue et grandiose filmographie, qui connaît un état de grâce dans les années 60 et 70. Tandis que beaucoup de vedettes hollywoodiennes voient leur étoile pâlir dans cette période chaotique et révolutionnaire, Burt Lancaster interprète des deux côtés de l’Atlantique une série de films importants, soit signés par des auteurs au sommet de leur art – Aldrich, Visconti, Bertolucci, Altman – ou des réalisateurs en grande forme – Frankenheimer, Winner, Pollack, Post, Hickox… – soit confiés à d’honnêtes exécutants permettant de penser que Lancaster, souvent producteur et à l’initiative des projets, doit être considéré comme l’auteur à part entière de certains films.

C’est le cas de The Swimmer ou de ce Valdez, premier long métrage d’un jeune metteur en scène de théâtre qui allait continuer sa carrière à la télévision. Valdez, réalisé entre L’Homme de la loi et Fureur apache, montre un Lancaster solitaire mais maître du jeu, plongé dans un monde de violence et d’injustice. Voulant prendre la défense d’un homme Noir innocent, responsable involontaire de sa mort lors du siège de sa cabane au début du film, Valdez se présente d’abord comme un être humble, résigné et pacifique, et même soumis à l’autorité des Blancs dont, en simple constable, il est le laquais. Mais révulsé par l’inhumanité de Tanner, qui le fait battre et crucifier par ses sbires (scène d’une cruauté digne des westerns italiens) Valdez se redresse et endosse la panoplie du justicier en même temps que son vieil uniforme d’éclaireur du temps où il luttait contre les Apaches avec la Cavalerie – il confessera s’être trompé de camp vers la fin du film.

Burt Lancaster cruficié dans Valdez

Burt Lancaster cruficié dans Valdez

S’engage alors une chasse à l’homme dans laquelle les chasseurs – Tanner et ses hommes – ne tardent pas à devenir les proies, incapables de rivaliser avec le vieux shérif, tireur d’élite et fin connaisseur de la région.

Valdez fait partie de ces westerns américains tournés au début des années 70 dans les paysages désertiques espagnols, à l’instar de nombreuses productions européennes. Valdez dans sa seconde partie entretient d’ailleurs de nombreuses similitudes avec Les Collines de la terreur de Michael Winner lui aussi tourné (un an plus tard) en Espagne, avec Charles Bronson en Indien exécutant ses poursuivants. Le propos de Valdez, en adéquation avec les convictions démocratiques de sa star, est antiraciste, dénonçant les brimades, injustices et mauvais traitements dont sont victimes les membres de la communauté mexicaine, les Noirs, métis et les indiens, nombreux dans cette zone frontalière, indifféremment traités de « métèques » par les petits blancs et leurs patrons.

Valdez regorge de très bons dialogues (le scénario est écrit par David Rayfiel et Roland Kibbee, deux collaborateurs proches de Lancaster, on ne sait pas trop à quel point ils sont restés fidèles au roman de Elmore Leonard, ce maître de la « pulp fiction ») et de scènes d’action excitantes avec un Burt Lancaster vraiment « badass » entouré de seconds couteaux burinés et moustachus comme on les aime. La mise en scène de Edwin Sherin est certes un peu fonctionnelle, limite télévisuelle, mais elle est rehaussée par une très belle photographie et certains cadres dont il faut attribuer le mérite au talentueux chef opérateur d’origine hongroise Gábor Pogány, très actif en Italie pendant quatre décennies, travaillant aussi bien avec De Sica et Rossellini qu’avec Freda et d’innombrables artisans du cinéma bis transalpin.

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