barbara

Cannes 2014 Jour 11 : Mommy de Xavier Dolan (Compétition)

C’est une tradition : chaque année – ou presque – à Cannes nous trouvons le moyen de rater le film que nous attendions le plus – soit Adieu au langage de Jean-Luc Godard pour cette édition – et le film dont tout le monde parle – soit Mommy de Xavier Dolan.

Nous verrons donc Adieu au langage dès notre retour à Paris et nous cédons la place à Jean-Baptiste Viaud,  journaliste spécialisé en politique internationale pour TV5 Monde ; rédacteur en chef du webzine Il était une fois le cinéma (www.iletaitunefoislecinema.com) et collaborateur ponctuel à ARTE.tv qui a aimé le nouveau film de Xavier Dolan et que nous remercions pour son texte.

« Il aura fallu cinq ans et autant de films à Xavier Dolan, 25 ans à peine, pour que son cinéma éclose véritablement : Mommy est l’un des longs métrages les plus libres de la sélection cannoise, l’un des plus audacieux aussi, tant sur le plan formel que scénaristique. Il récapitule les obsessions du jeune cinéaste – rapport à la mère, adolescence troublée, désir naissant – en même temps qu’il invente un nouveau et formidable terrain de jeu sur lequel dérouler une histoire d’une grande force émotionnelle. Une veuve, Diane, récupère la garde de son fils de seize ans, ado violent et impulsif expulsé d’une institution spécialisée : ils vont réapprendre à vivre ensemble, parce ce que c’est ce qu’ils « font de mieux », avec l’aide et l’amitié d’une nouvelle voisine, enseignante bègue en congé sabbatique.

En 2009, J’ai tué ma mère surprenait par son insolence assumée, par une mise en scène inspirée et audacieuse qui, d’emblée, propulsait Xavier Dolan au rang de petit génie – il avait vingt ans. Rempli de fulgurances, son cinéma s’est depuis développé entre afféteries visuelles et narratives et un sens de la mise en scène toujours renouvelé. Aujourd’hui, Mommy est le prolongement de son premier film autant que l’autre bout du spectre : là où le personnage de la mère était haï, il est ici adoré. Les disputes entre Diane et son fils sont fréquentes et violentes, il ne lui répète pas moins qu’il l’aime et qu’il la protégera toute sa vie – une déclaration d’amour comme tentative de réhabilitation, maintenant que Dolan a grandi et que les failles de la mère lui sont désormais plus accessibles, plus compréhensibles.

Car Mommy est avant tout l’histoire de gens, de femmes surtout, qui font comme ils peuvent, du mieux qu’ils peuvent. « Le monde est un lieu qui offre peu d’espoir » : pourtant tous, ici, partagent un goût du combat quotidien pour faire en sorte qu’il le soit le plus vivable possible, dans un désir partagé que la vie soit un peu plus douce, et un peu plus heureuse. A mi-temps du film, une géniale idée de mise en scène (qu’on ne gâchera pas) ouvre d’autres horizons, plus larges et libérés de la morosité d’une vie passée à trimer et à encaisser les coups durs. Ce n’est pas la moindre des beautés de Mommy, dans lequel Xavier Dolan ose tout et revendique encore plus loin sa totale liberté : musique omniprésente et ultra-générationnelle (Céline Dion côtoie Oasis et Lana del Rey), nombreux changements de formats (du 1:1 au 16:9), ralentis, alternance de scènes explosives et plus intimistes.

Là où certains de ses films souffraient d’effets visuels un peu trop obsédés par le cool (Les Amours imaginaires notamment), Mommy fonctionne à plein, objet passionné qui ne souffre presque jamais de la belle hystérie permanente dans laquelle il baigne. Il s’offre en contrepoint parfait à Tom à la ferme, thriller glacé sorti récemment et pour lequel Dolan avait (un peu) calmé ses ardeurs. Rien de cela ici, le jeune cinéaste affirme une nouvelle fois son refus absolu de la sobriété, sans que jamais son montage clipesque ne verse dans le publicitaire. Au contraire, ce sont ses envolées lyriques jamais contenues qui donnent sa force à Mommy, grand mélo exalté servi par des comédiens tout à fait prodigieux : un prix d’interprétation collectif à Antoine-Olivier Pilon, Suzanne Clément et Anne Dorval aurait été la plus belle des récompenses.»

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