Olivier Père

Mado de Claude Sautet

Dans le cadre de son cycle consacré à Claude Sautet qui débute demain soir ARTE diffuse Mado (1976) à 22h15, juste après Les Choses de la vie (1969) à 20h45, grand succès du cinéaste avec Michel Piccoli et Romy Schneider. Dernier des quatre films de Sautet interprétés par Michel Piccoli, Mado vient clore une période faste, d’une manière beaucoup plus sombre et pessimiste que les précédents titres. Du jour au lendemain, Simon Léotard (Michel Piccoli), un promoteur immobilier, se retrouve ruiné par Lépidon (Julien Guiomar), un concurrent véreux. Ce dernier lui réclame le remboursement des traites qu’il a consenties à son associé, Julien, qui vient de se suicider sans explication. Grâce à Mado (Ottavia Piccolo), une jeune prostituée dont il tombe amoureux, Simon se venge de Lépidon. Mado entretient de nombreuses correspondances, plus ou moins secrètes, avec Max et les Ferrailleurs – la fascination d’un homme pour une prostituée. C’est aussi un film voulu contre Vincent, François, Paul et les autres (1974) qui malgré les difficultés présentait le monde de l’entreprise et du patronat sous un angle plus humain. Mado est en effet l’un des premiers films français à enregistrer les effets de la crise, le délabrement économique généralisé et à s’inquiéter du chômage. Grand film sur la vénalité, la manipulation et le pouvoir corrupteur de l’argent, Mado est aussi une interrogation sur le mystère féminin, avec cette jeune femme à l’apparente passivité, qui ne cesse de se dérober au désir, au mépris et à la jalousie de Simon, et sert d’intermédiaire entre son principal client et les autres hommes du film, notamment un étonnant personnage d’escroc interprété par Charles Denner qui permettra à Simon d’accomplir sa vengeance destructrice. Suicide, trahison, meurtre… Mado emprunte à la violence du polar des débuts de Sautet pour dresser le portrait d’un homme et d’un pays en déréliction, qui est aussi un autoportrait. Jamais Sautet n’est allé aussi loin dans la confession intime. Toujours d’une parfaite maîtrise dans les scènes de groupe – la fameuse séquence d’embourbement final sous la pluie, très allégorique – le cinéaste nous rappelle avec ce film secret et tourmenté qu’il est aussi le peintre de l’obsession masculine pour les femmes, du dégoût de soi et des idéaux perdus ou dévoyés.

Mado est présenté demain soir dans une nouvelle version restaurée en HD et sera disponible en replay sur ARTE+7.

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