Olivier Père

L’Auberge rouge de Claude Autant-Lara

L’Auberge rouge (1951) est diffusé sur ARTE ce soir à 20h50 Il s’agit d’un des meilleurs films de Claude Autant-Lara, tout à fait représentatif des divertissements de qualité un brin scandaleux qui firent la réputation de ce cinéaste.

En 1833, à l’auberge de Peyrebeille, perdue en montagne, Marie et Pierre Martin, un couple d’aubergistes, assassinent leurs clients pour les voler. Les voyageurs d’une diligence descendent à l’auberge, bientôt suivis par un moine bon vivant. Or, la femme Martin éprouve le besoin de se confesser au saint homme. A sa grande horreur, elle lui avoue la bagatelle de cent trois crimes. Le moine, lié par le secret de la confession, va cependant s’employer par tous les moyens à sauver les voyageurs…

 

Dans les limites de l’enluminure et de l’anticléricalisme facile qui caractérisent l’œuvre d’Autant-Lara et ce film en particulier, l’esprit frondeur du cinéaste, son goût de la belle image en noir et blanc et des décors en studio fonctionnent à plein régime. Le projet devait au départ s’inspirer de la nouvelle de Balzac mais contrairement aux deux précédentes adaptations de « L’Auberge rouge » (signées de Morlhon et Epstein) les fidèles scénaristes d’Autant-Lara Aurenche et Bost préfèrent partir de la véritable histoire de l’auberge ardéchoise de sinistre réputation. Fernandel était depuis vingt ans la star numéro un du box office français, habitué à se diriger lui-même, à cabotiner sans vergogne devant la caméra et à ne travailler qu’avec de simples exécutants (à l’exception bien sûr de Marcel Pagnol.) Fernandel accepta de jouer sous la direction d’Autant-Lara, cinéaste de prestige qui n’avait pas l’intention d’abdiquer devant les coutumes routinières de sa vedette. Fernandel, mécontent du tournage, déclara qu’on ne l’y reprendrait plus à jouer dans des films d’art ! L’acteur était aussi choqué de découvrir que L’Auberge rouge était l’œuvre d’auteurs à la verve anarchisante qui ne partageaient aucune de ses convictions. Le film égratigne en effet avec beaucoup d’humour Dieu, l’Eglise mais aussi la bourgeoisie (les clients de l’auberge), le mariage et la famille moqués lors d’un simulacre de cérémonie religieuse et d’autres scènes aux dialogues et à la truculence irrésistibles.

Fernandel, comédien croyant et conservateur, inquiet des répercussions d’un tel brûlot subversif sur son image, tirera un trait sur cette expérience en jouant dans Le Petit Monde de Don Camillo et ses suites, plus conformes aux attentes de son public familial.

Le génie comique de Fernandel, formidable en moine gourmand et pleutre est pourtant orchestré à la perfection par Autant-Lara et ce petit joyau d’humour noir demeure l’un des meilleurs films de l’acteur, bien entouré par Julien Carette et Françoise Rosay, inoubliables en aubergistes crapuleux.

 

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