Olivier Père

Rétrospective Raffaello Matarazzo à la Cinémathèque française (2)

La redécouverte enthousiaste des films de Matarazzo se poursuit à la Cinémathèque française. Voici la recension de deux comédies inédites en France et deux mélodrames interprétés par Yvonne Sanson et Amedeo Nazzari. Photo en tête de texte : Le Fils de personne (I figli di nessuno, 1952.)

Giorno di nozze (1942)

Un petit bourgeois criblé de dettes et harcelé par ses créanciers doit dissimuler la gravité de sa situation afin de ne pas compromettre le mariage de sa fille avec un jeune homme dont le père est un richissime homme d’affaires. Comédie boulevardière sur le thème de l’argent et de l’amour paternel – constante dans l’œuvre de Matarazzo qui relie ses comédies légères et ses mélodrames, où les enfants tiennent toujours une place prépondérante. La mise en scène est brillante et inventive et privilégie les longs plans-séquences statiques qui amplifient la dimension théâtrale du film et offrent de véritables morceaux de bravoure aux comédiens, notamment au début (le vieux couple désargenté énumère les dépenses du mois) et à la fin (dialogue hilarant entre les deux pères de l’histoire, le milliardaire excentrique et le modeste employé, qui vont devenir associés sur un malentendu.)

Il birichino di papà (1943)

A l’instar de ses mélodrames, les comédies de Matarazzo se suivent et se ressemblent et forment un ensemble cohérent. Réalisé un an après Giorno di nozze, Il birichino di papà (traduction littérale « la polissonne à son papa ») reprend de nombreux acteurs du film précédent, à commencer par le très drôle Armando Falconi toujours en patriarche farfelu. Il birichino di papà repose une nouvelle fois sur l’antagonisme famille pauvre / famille riche, et met également en scène la liberté et la fantaisie contre l’austérité, la prétention et le mépris de classe. Une gamine espiègle élevée comme un garçon manquée par son père veuf est envoyée en pension lorsque sa sœur aînée épouse l’héritier d’une famille d’aristocrates. Réfractaire à toute forme d’autorité elle s’échappe du pensionnat après y avoir semé la zizanie et prend les affaires en main lorsqu’elle découvre que sa sœur est trompée par son mari. Certains éléments propres au mélodrame (enfant séparée de son père, épouse bafouée, enfermement forcé) sont ici traité sur le ton de la comédie endiablée, et la jeune Chiaretta Gelli fait preuve d’un sacré tempérament. Le récit est ponctué de chansons (plusieurs films de Matarazzo, gais ou triste, contiennent des passages chantés, dans la tradition du cinéma populaire italien.)

Le Mensonge d’une mère (Catene, 1949)

Premier grand mélodrame de Matarazzo, à la fin des années 40, lorsque le cinéaste qui avait signé plusieurs comédies et quelques films policier recherchait un second souffle à sa carrière. D’abord réticent et sans affinités particulières avec le genre, Matarazzo aurait accepté de se lancer dans la préparation cette histoire larmoyante sur les conseils de Riccardo Freda et Mario Monicelli. Bien lui en pris puisque Le Mensonge d’une mère fut un énorme succès, entraînant de nombreuses imitations, et point de départ d’une série de sept films admirables réalisés par Matarazzo et interprétés par Amedeo Nazzari et Yvonne Sanson. Tous les éléments scénaristiques (les sept films furent coécrits avec Aldo de Benedetti) sont déjà réunis dans Le Mensonge d’une mère, qui est sans doute moins excessif que les titres suivants : un ancien amant sans vergogne vient semer le trouble et le malheur dans un couple uni, mettant en danger l’harmonie d’une famille et l’amour d’une femme pour ses enfants et son mari. Le film se déroule à Naples et propose des images documentaires de la ville et de son folklore, comme des bribes de néoréalisme à l’intérieur d’un récit mélodramatique. Le contexte social du film – Amedeo Nazzari interprète un garagiste qui s’est mis à son compte – est symptomatique de l’Italie d’après-guerre qui sortira rapidement de la misère pour connaître un spectaculaire boom économique illustré à de nombreuses reprises par le cinéma transalpin.

Larmes d’amour (Torna !, 1954)

« Torna » est une chanson populaire italienne qui donne son titre au film et que l’on entend durant le générique de début. Il est intéressant de voir Larmes d’amour après Le Mensonge d’une mère dont il reprend cinq ans plus tard l’argument principal : un amour de jeunesse – ici un cousin velléitaire et décadent – tourmente l’héroïne qui se refuse à lui et faute de pouvoir la posséder, s’acharne à détruire le bonheur qu’elle a construit avec un autre homme. Dans Larmes d’amour il ne s’agit plus seulement de mettre en danger l’unité d’un couple, de séparer une mère de son enfant, mais aussi de spolier la fortune du mari, rival en amour mais aussi en affaires. L’être malfaisant (interprété par Franco Fabrizi qui va se spécialiser dans les rôles de sales types, veules ou imbéciles) n’est bon qu’à dépenser de l’argent, jouer au casino et déteste travailler, le héros comme souvent chez Matarazzo est un entrepreneur, un bâtisseur qui reprend en main des chantiers navals laissés à l’abandon. Le cycle Nazzari-Sanson, à la manière d’une Comédie humaine miniature traverse les différentes classes de la société italienne, et Nazzari incarne tour à tour et avec la même solidité des prolétaires, des bourgeois ou des aristocrates. Larmes d’amour, film de l’embourgeoisement, est le seul titre du couple Nazzari-Sanson à être en couleur : le fameux procédé Ferrianacolor dont la joliesse détourne un peu l’attention et freine l’émotion. Ce n’est pas le meilleur film de la série, malgré l’épisode final et la fausse mort de la fille des héros, qu’ils croient emportée par un éboulement dans un chalet de montagne et qui a été recueillie par une folle qui la prend pour la réincarnation de sa fillette disparue dans les mêmes circonstances.

A suivre…

 

 

 

 

 

 

 

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