Olivier Père

Les Aventuriers de Robert Enrico

Si Alain Delon a fréquenté les cimes du meilleur cinéma d’auteur international en travaillant avec Luchino Visconti, Michelangelo Antonioni, Jean-Pierre Melville, Joseph Losey, Valerio Zurlini, Alain Cavalier, Jean-Luc Godard, sa carrière est aussi intimement liée à plusieurs très bons titres du cinéma commercial qu’il a transcendé par sa seule présence et son aura : Le Clan  des Siciliens (1969) d’Henri Verneuil, Adieu l’ami (1968) de Jean Herman ou Les Aventuriers (1967) de Robert Enrico qui est diffusé ce soir sur ARTE à 20h50. Ces films ont aussi contribué à sa mythologie personnelle, qui associe la séduction et l’héroïsme à une dimension tragique, comme celle de Gabin jeune. Delon et son ami Lino Ventura forment le couple vedette de ce grand succès du cinéma français. Sous ses allures d’hymne décontracté et ensoleillé à l’aventure et l’amitié virile, le film de Robert Enrico se voile de mélancolie et dissimule une profonde tristesse avec une présence obsédante de l’échec et de la mort. La recherche d’un trésor enfoui sous l’eau entreprise en Afrique par deux amis inséparables et rêveurs qui ont souvent joué de malchance a des accents hustoniens. Plus étrange est le ménage à trois platonique qu’ils forment avec une jeune femme étrangère et artiste, sorte d’utopie amoureuse qui fait écho aux élans communautaires et à la libéralisations des mœurs de la fin des années 60.

Les Aventuriers, comme d’autres films français commerciaux de la même époque, doit beaucoup à la musique de François de Roubaix, véritable génie de la musique de films qui travaillait principalement pour des productions populaires et la télévision. Ce compositeur au talent protéiforme et précurseur de la musique électronique, inventeur de styles et de sonorités nouvelles (comme l’usage de « samples »), fut l’auteur d’un univers mélodiques enchanteur souvent au service de films et de cinéastes plus prosaïques que lui comme Robert Enrico, Yves Boisset ou José Giovanni.

Sa fantaisie rencontra néanmoins celle de Jean-Pierre Mocky pour L’Etalon et La Grande Lessive. Et la bande originale du Samouraï de Jean-Pierre Melville (la même année que Les Aventuriers) exprime à la perfection la froideur et la solitude de Jeff Costello (Delon, encore.)

François de Roubaix, dandy et anar passionné par la mer est mort prématurément en 1975 dans un accident de plongée, ce qui rend a posteriori encore plus émouvante sa contribution au film d’Enrico dont les moments les plus dramatiques se déroulent au large du Congo et dans le Fort Boyard.

 

 

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