Olivier Père

La Cérémonie de Claude Chabrol

Ce soir Arte célèbre le talent extraordinaire d’Isabelle Huppert avec deux films parmi les sept que l’actrice a tournés avec son cinéaste d’élection, Claude Chabrol : La Cérémonie (1995) à 20h45 suivi de Madame Bovary (1991) à 22h40 dans lequel elle incarne génialement l’héroïne de Flaubert.

La Cérémonie est un grand Chabrol des années 90 dans lequel le cinéaste explore ses chères thématiques (le crime, la bourgeoisie, la culpabilité) pour les enrichir de perspectives sociopolitiques.

Les Lelièvre, une famille bourgeoise embauche Sophie (Sandrine Bonnaire), une nouvelle bonne, qui dissimule son analphabétisme à ses patrons. La jeune femme devient l’amie de Jeanne (Isabelle Huppert), la postière du village. Les deux complices possèdent le point commun d’avoir été jadis soupçonnées de meurtre et relaxées fautes de preuves. Sophie découvre que la fille de ses employeurs est enceinte et décide de la faire chanter. Mais son plan échoue et elle perd son poste. Une nuit, Sophie et Jeanne pénètrent dans le manoir des Lelièvre et assassinent la famille au complet réunie devant la télévision…

La Cérémonie perpétue la longue série de chroniques criminelles situées dans la tranquille province de France et qui a inspiré à Chabrol, dans les années 70, ses meilleurs films. Une fois de plus, Chabrol épingle l’hypocrisie des grands bourgeois et les limites étroites de leurs principes humanistes. Mais tandis que les chefs-d’œuvre de Chabrol étudiaient la bourgeoisie comme un monde clos dans lequel le moindre dérèglement interne est vite neutralisé, c’est ici l’intrusion d’un élément étranger, c’est-à-dire une illettrée issue d’un milieu défavorisée, qui va déclencher le chaos. Lorsque Chabrol présente dans le dossier de presse La Cérémonie comme « le dernier film marxiste », on a le droit d’y voir une boutade publicitaire destinée aux journalistes friands de raccourci. Il serait d’ailleurs inexact de réduire La Cérémonieà une allégorie de la lutte de classes, même si le film n’est pas exempt de préoccupations politiques, tant le cinéaste ménage l’opacité psychologique des deux meurtrières, magnifiquement interprétées par Sandrine Bonnaire et Isabelle Huppert.

 

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