Olivier Père

Au revoir Locarno

Olivier Père, Photo Xavier Lambours

Olivier Père, Photo Xavier Lambours

Je quitterai à la fin du mois d’octobre mes fonctions de directeur artistique du Festival del film Locarno pour devenir à partir du 1er novembre 2012 le nouveau directeur général d’Arte France Cinéma, chargé des coproductions d’œuvres cinématographiques et des acquisitions des films pour l’antenne.

J’ai pris cette décision avec le désir d’ouvrir un nouveau chapitre dans ma vie professionnelle, qui a débuté en 1995 comme programmateur à la Cinémathèque française, poste que j’ai occupé jusqu’à mon départ pour Locarno en 2009. Entre temps, j’ai aussi écrit sur le cinéma pour diverses publications mais essentiellement l’hebdomadaire français « Les Inrockuptibles », et j’ai été le délégué général de la Quinzaine des Réalisateurs de 2003 à 2009, en charge de la direction artistique et de la sélection de six éditions de la prestigieuse manifestation indépendante du Festival de Cannes, organisée par la SRF. Avec toujours comme unique moteur la passion du cinéma et l’admiration pour les auteurs de films.

Je quitte le festival del film Locarno avec tristesse mais aussi avec l’immense satisfaction du travail accompli, et le merveilleux souvenir de la 65ème édition qui s’est achevée le 11 août, à mes yeux et aux yeux de beaucoup la plus belle. Deux critiques américains ont défini mieux que je ne pourrais le faire les défis, la vision, l’originalité et l’accomplissement de ce que l’on est en droit désormais d’appeler « The Locarno experience »

http://www.filmlinc.com/daily/entry/festivals-koehler-on-locarno

http://mubi.com/notebook/posts/leopard-prints-digital-dreams-at-the-2012-festival-del-film-locarno

Et aussi le souvenir d’un moment magique qui ne pouvait arriver qu’à Locarno :

http://disciplineindisorder.blogspot.gr/2012/08/bootleg-leos-carax-experience-locarno-3.html

En trois éditions du Festival del film Locarno, nous avons atteint grâce à un formidable travail d’équipe et un investissement humain sans limite les principaux objectifs que nous nous étions fixés, et comblé notre ambition pour le festival : aujourd’hui Le Festival del film Locarno est une grande manifestation cinématographique internationale, avec une solide réputation dans le monde entier. Utile, exigeant, parfaitement organisé, au service des films et des auteurs et des professionnels, mais aussi des cinéphiles, des spectateurs et du grand public, remplissant sa mission de découverte et de soutien du cinéma indépendant international, mais aussi de célébration du cinéma d’hier et d’aujourd’hui avec ses stars, ses acteurs et ses grands réalisateurs. Bref, tout le meilleur du cinéma en onze jours de fêtes, de passion, d’émotions, de rencontres et de discussions.

Je dois dire que durant les premiers mois de cette expérience fondatrice et éprouvante, mais tellement enrichissante et excitante, j’ai tenu bon grâce à deux citations que j’avais toujours en tête durant mon travail pour le festival : la première était celle de Jean-Pierre Melville sur le tournage de son premier film Le Silence de la mer (1947) film sur la Résistance Française d’après le récit de Vercors mais aussi film de résistance esthétique et politique (les deux vont toujours de pair) qui allait anticiper les films de la Nouvelle Vague signés Godard et Truffaut quelques années plus tard :

« Pendant un an – le plus heureux de ma vie, je dois le dire – nous avons été plongés dans la misère la plus totale. Mais la sensation de réaliser quelque chose d’important, tout en étant démuni était merveilleuse. C’est tellement idiot mais tellement vrai que je crois qu’il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. J’ai toujours eu cette devise : ne sachant pas que c’était impossible, je l’ai fait. J’ai certes connu des moments de découragement mais il fallait du courage, il faut bien l’admettre pour tenir bon jusqu’au bout sans se laisser intimider par chaque sorte de menace et de critique. »

L’autre phrase, plus triviale mais aussi importante, vient du film de John McTiernan Piège de cristal (Die Hard, 1988) exprimée par son héros John McClane (interprété par Bruce Willis) : « Yippee-ki-yay, motherfucker. » Comprenne qui voudra ou qui pourra.

Aux amis du festival, et ils sont nombreux dans le monde, je vous voudrais témoigner ma plus sincère reconnaissance, pour avoir compris, apprécié, soutenu et relayé notre travail. Merci aux cinéastes, acteurs, producteurs, distributeurs, vendeurs, institutionnels, critiques, journalistes, ou simples cinéphiles et spectateurs qui ont fait de ces trois éditions de belles réussites.

Mais je voudrais avant tout saluer et remercier toute l’équipe du festival, la plus compétente, jeune, enthousiaste et dévouée qu’il m’ait été donné de rencontrer et qui chaque année, du sponsoring à la projection des films, est capable de transformer un projet en réalité.

Je pense particulièrement à mes amis et plus proches collaborateurs Marco Cacciamognaga, directeur opératif du festival, Nadia Dresti déléguée à la direction artistique et responsable de l’Industry Office et Giulia Fazioli responsable du bureau de presse, qui ont été de véritables complices durant ces trois années. Et Carmen Werner et Olmo Giovannini du service programmation. Et bien sûr le comité de sélection pour leurs conseils et leurs regards éclairés, Mark Peranson, Agnès Wildenstein, Roberto Turigliato et Manlio Gomarasca.

Quant au Président Marco Solari, je lui exprime publiquement une reconnaissance et des remerciements particuliers que j’ai déjà eu l’occasion de lui dire plusieurs fois en privé. Grâce à son implication extraordinaire dans la vie quotidienne et la bonne santé budgétaire et opérative du festival, son respect et son soutien indéfectible pour le travail de la direction artistique, Marco Solari a permis au Festival del film Locarno de devenir cette manifestation emblématique où peut exister une vrai vision du cinéma contemporain, un rêve de festival devenu réalité pour tous ceux qui font, aiment et défendent le cinéma aujourd’hui. En leurs noms et en mon nom propre, merci du fond du cœur.

Enfin, j’ai une pensée pleine d’amour pour mes enfants et pour ma compagne Maud Ameline qui continue de faire preuve de beaucoup de patience et de compréhension à mon égard, même si comme les vraies muses son rôle n’est pas de me protéger mais de me mettre en danger.

Olivier Père
Directeur artistique
Festival del film Locarno

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