Olivier Père

La Chevauchée de la vengeance et Comanche Station de Budd Boetticher

Comanche Station (1960)

Comanche Station (1960)

Affiche française de La Chevauchée de la vengeance

Affiche française de La Chevauchée de la vengeance

La Chevauchée de la vengeance (Ride Lonesome, 1959) et Comanche station (1960), deux joyaux du western, marquent la fin d’une fructueuse collaboration entre Budd Boetticher et Randolph Scott. Une fin en forme d’apothéose, puisque ces deux films jumeaux constituent une sorte d’accomplissement formel et thématique d’un cycle de six westerns, placé sous le signe d’un dépouillement superbe et presque arrogant. Budd Boetticher est un authentique maître du western qui, à une époque transitoire dans le cinéma hollywoodien (entre Hawks et Peckinpah, et précurseur de Monte Hellman) réalisa des westerns « sec, nerveux, sans graisse superflue, des charpentes à peine habillées » pour reprendre les termes de Michel Delahaye sur son œuvre. Ride Lonesome et Comanche Station sont des déclinaisons épurées de scénarios très semblables. Les deux films débutent identiquement : une silhouette de cavalier traverse un désert rocailleux. À chaque fois l’homme (Randolph Scott, à peine moins minéral que le paysage qui l’entoure) est défini comme une force mue par une obsession morbide. Dans Comanche Station, il recherche désespérément sa femme capturée par les indiens comanches il y a plusieurs années. Il sauve désormais des femmes prisonnières des indiens en espérant qu’il retrouvera un jour sa femme parmi celles-ci. Dans Ride Lonesome, il endosse l’identité d’un chasseur de primes et arrête un hors-la-loi dans le seul but de tuer le frère de ce dernier, qui pendit sa femme à un arbre au milieu d’une clairière. Chaque fois, un groupe immuable (quatre hommes, une femme) se déchire. L’objectif purement intime – et dissimilé sous une apparente vénalité – du héros, (la quête, la vengeance) s’oppose à la cupidité et l’absence d’éthique assumées de ses adversaires. Ces curieux huis clos en plein air (on se surprend souvent à penser au théâtre classique) où le danger vient de l’extérieur du groupe – la proximité invisible des indiens – mais surtout de l’intérieur sont traversé par une inquiétude paisible. Les conclusions des deux films renvoient à un  désespoir presque glaçant. Il est vrai qu’on atteint ici une osmose parfaite entre un cinéaste, un acteur et un genre. Les deux dernières collaborations entre Boetticher et Scott ressemblent à un accord parfait. Les postures, les sujets, les décors relèvent de l’évidence.  La maîtrise de l’espace, la durée quasi contemplative des plans avec une utilisation somptueuse des décors et de la lumière naturelle atteignent également une forme de perfection sereine. Le cinéaste Boetticher, le scénariste Burt Kennedy et l’acteur Randolph Scott excellent dans une forme artistique similaire : le minimalisme. Un traitement paradoxal pour traiter de sentiments excessifs. On nous excusera de ne pas vouloir trancher entre les deux films, même si les cinéphiles préfèrent en général Ride Lonesome. Mais les deux films sont à d’égalité en ce qui concerne la réussite de leur dénouement. L’extraordinaire et inattendue scène finale de Comanche station nous tirerait presque les larmes, tandis que l’inoubliable dernier plan de Ride Lonesome, la silhouette de Randolph Scott figée devant l’arbre à potence en train de brûler, est toujours aussi stupéfiante de désespoir et d’émotion.

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