Olivier Père

Les Promesses de l’ombre de David Cronenberg

Les Promesses de l'ombre

Les Promesses de l’ombre

A History of Violence

A History of Violence

Succédant au génial A History of Violence (2006), Les Promesses de l’ombre (Eastern Promises, 2007) de David Cronenberg est un chef-d’œuvre de plus dans la filmographie du cinéaste canadien et confirme sa souveraineté dans le paysage du cinéma mondial et aussi son aisance à transformer les romans célèbres ou les scénarios des autres en films éminemment personnels. Les Promesses de l’ombre, écrit par Steven Knight, le scénariste de Dirty Pretty Things de Stephen Frears, n’en demeure pas moins un prolongement surprenant des thèmes de A History of Violence. La complexité des personnages et de leurs relations, la profondeur des situations sont mises en scène avec une apparente limpidité et une virtuosité invisible, comme si les conceptions classique et moderne du cinéma parvenaient à coïncider dans un seul geste cinématographique. Si David Lynch a opté pour une approche expérimentale de son art, Cronenberg parvient à concilier des films narratifs, commerciaux et une fidélité absolue et sans compromis à sa conception, à la fois ironique, charnelle et cérébrale du cinéma comme exploration de l’être humain. Comme dans A History of Violence, Cronenberg se livre à une réflexion sur la vérité et les apparences, proposant le mensonge et la simulation comme formidables moteurs romanesques, le besoin de s’inventer une autre identité pour devenir soi-même, l’excitation d’être un autre et de s’introduire dans une communauté étrangère. Ce n’est plus le corps qui semble préoccuper Cronenberg dans ses deux films, mais la question de la mémoire et de l’identité (même si la mémoire est inscrite dans le corps même de ses héros, machine programmée pour tuer ou couvert de tatouages tribaux). Dans A History of Violence et Les Promesses de l’ombre, titres presque jumeaux, Cronenberg explore la relation entre réalisme cinématographique et création fantastique. Le dilemme s’incarne ici dans l’histoire d’une jeune infirmière d’origine russe qui va pénétrer, à l’occasion d’une enquête sur une mineure morte en donnant naissance à son bébé, dans l’univers terrifiant de la mafia russe londonienne et découvrir un monde de monstres qui relève davantage du fantasme érotique que de la réalité, même si le film est bien sûr parfaitement crédible et documenté. Les codes du western, du mélodrame et du film noir sont ici non pas transcendés mais enrichis par les éternelles obsessions de Cronenberg sur la confusion sexuelle, le mariage du plaisir et de la souffrance, le conflit entre la chair et l’esprit, qui trouvent à nouveau en Viggo Mortensen une incarnation parfaite. Mais la dimension shakespearienne de tragédie familiale, les références bibliques et la noirceur du sujet font des Promesses de l’ombre un film plus grave, moins ludique que A History of Violence. Le film réserve, entre autres surprises, l’un des plus violent combat au corps à corps de l’histoire du cinéma, au cours duquel Viggo Mortensen, nu comme un ver, à l’exception des nombreux tatouages religieux qui couvrent sa musculature reptilienne, affronte deux tueurs tchétchènes venus l’égorger dans un bain public. Brutal, sanglant, Les Promesses de l’ombre recèle aussi une douceur et une tendresse insoupçonnées, à l’image de son magnifique dernier plan, une image de paix qui vient conclure un conte noir hanté par le meurtre, la trahison et l’asservissement de l’homme par l’homme.

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