Olivier Père

Bullfighter and the Lady de Budd Boetticher

The Bullfighter and the Lady (1951)

Bullfighter and the Lady (1951)

Un jeune Américain, Chuck Reagan (Robert Stack, photo en tête de texte) fasciné par la tauromachie, entreprend un voyage au Mexique dans le but de devenir torero. Il rencontre le célèbre Manolo Estrada, un torero de légende qui va l’initier à l’art de la tauromachie. Américain un peu fade, le jeune homme va s’accomplir auprès d’un grand homme qui deviendra pour lui une figure paternelle et un ami, et rencontrera l’amour auprès de la fille d’un éleveur de chevaux.

Mais la mort rôde. Bullfighter and the Lady (1951) est un film miraculeux dans la carrière de Budd Boetticher, surtout célèbre pour une série de westerns exemplaires interprétés par Randolph Scott, car il permit à un cinéaste initialement cantonné dans les produits anonymes de série B de réaliser un film absolument personnel et en partie autobiographique, puisque Boetticher fut lui aussi saisi par le démon de la tauromachie. Significativement, Bullfighter and the Lady sera le premier film que le cinéaste signera Budd Boetticher, au lieu d’Oscar Boetticher, Jr. Boetticher fait coïncider sa propre histoire (celle de l’homme et de l’aventurier) avec son acte de naissance de cinéaste. Le résultat est un grand film, le premier de la nouvelle carrière de Boetticher, qui prend pleine possession de ses moyens grâce à un sujet qui le passionne, contre-exemple de la théorie selon laquelle les petits cinéastes de studios n’est jamais plus à l’aise qu’avec des sujets imposés. Même s’il avait réalisé son rêve, Boetticher dût à l’époque de la sortie du film accepter un compromis avec son producteur, l’acteur John Wayne, dont la société Batjac produira aussi le fameux Sept Hommes à abattre de Boetticher en 1956. John Wayne décida de confier le montage final à John Ford, qui aima beaucoup le film mais pratiqua la coupe des séquences les plus documentaires du film, où l’on voit l’acteur Robert Stack toréer sans être doublé dans l’arène – il se fait même piétiner par un taureau, et des séances d’entrainement. Malgré son admiration pour Ford, Boetticher désavoua le nouveau montage, et la supervision de Ford qui avait rendu le film à une forme plus conventionnelle. Il y a une dizaine d’année on a pu découvrir en salles la version « director’s cut » du film approuvée par Boetticher, avec trente sept minutes de plus, échappant ainsi le plus souvent aux conventions hollywoodiennes et aux clichés de l’exotisme. Le ton est âpre, et le dénouement tragique sans illusions sur l’impossibilité d’intégrer une culture étrangère. Véritablement hanté par la tauromachie, Boetticher partira en 1968 tourner un film sur Arruza. Le projet dégénèrera en odyssée tragique où Boetticher manquera de perdre la raison et qui mettra un terme à sa carrière de cinéaste. Boetticher vécut jusqu’à sa mort en 2001 dans un ranch où il élevait des taureaux. Entretemps il réalisa un autre film de studio sur la tauromachie, The Magnificient Matador (1955) avec Anthony Quinn.

Difficile de parler de tauromachie au cinéma sans évoquer le magnifique Le Moment de vérité de Francesco Rosi, titre relativement méconnu du cinéaste italien (surtout par rapport à ses films politiques) qui vient de sortir en blu-ray et DVD chez Criterion. C’est un véritable chef-d’œuvre, et sans doute le film ultime sur le sujet, où Rosi emploie des techniques du cinéma reportage déjà mises en pratique dans Salvatore Giuliano pour explorer le monde de la corrida catalane, avec en plus du film précité une utilisation magistrale de la couleur et de l’écran large. Rosi signe son film le plus viscontien, avec une esthétique à la fois documentaire et flamboyante qui renvoie directement à La terre tremble, sur lequel il était assistant.

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